De Morsang sur Orge à Milan, de Cuba à Namur, de Tokyo au Mac/Val, de la Hague à l’Île de la Réunion, de la Fondation Cartier et du Silencio, en passant par l’Opéra de Lille, jusqu’à Manhattan, les Blanche Neige de Catherine Bay multiplient leurs apparitions à travers le monde. Des institutions culturelles, mais aussi des hauts lieux de la consommation, des plages désertes, des rues passantes ou la rase campagne peuvent être le théâtre de leurs opérations intempestives.
Archipels, granites dénudés, film réalisé dans le cadre du Fresnoy, prolonge en les développant des possibilités que Daphné Hérétakis avait déjà explorées dans ses précédents films, Ici, rien et 26. Dans le premier, la réalisatrice mène une enquête dans la ville d'Athènes, secouée par la mort d'un manifestant, suite à des répressions policières. Dans le second, elle expose, sous la forme d'un cadavre exquis, quelque chose qui, tout en relevant de sa vie privée, peut, par son expression filmique, rencontrer un regard tout extérieur aux histoires personnelles qui s'y trament.
Toute poésie véritable nous met littéralement en présence d'un monde qu'elle formule pour se configurer elle-même. Celle de FJ Ossang a partie liée, nécessairement, avec la question du film et de la musique punk, qui sont autant des formes de son écriture que des mouvements qui la traversent et lui permettent de trouver sa singularité propre et ses accents les plus profonds. La poésie de FJ Ossang se saisit de ce qui bruit en deçà et au-delà du film et de la chanson punk et fait surgir un monde qui a en propre de s'éteindre au moment même où il se lève et s'anime devant nos yeux.
La richesse et la force bouleversante de la proposition performative de Malena Beer se situent effectivement In Between, vaste entrelacs d’une expérience intérieure, sensorielle, intime, d’une expérience esthétique, fruit d’une danse ample et secrète, qui se déploie tout autant dans l’espace environnant que dans l’imaginaire corporel, de l’expérience enfin difficile à nommer d’un être ensemble, augmenté par la confiance, la douceur du contact, l’ouverture et l’infinie attention à l’autre.
Création évènement de cette première édition d’Oh ! Festival, Tschägg, signée par Lucie Eidenbenz, Luce Goutelle et Cosima Grand se situe sur les territoires mouvants où la tradition irrigue le monde contemporain. Engouement, peurs intimes et fantasmes collectifs sont orchestrés avec finesse sur le plateau.
Comment atteindre l'étranger intérieur?
Jusqu'où pousser la danse d'ensauvagement?
A quelques jours de la première, Lucie Eidenbenz, danseuse et chorégraphe, initiatrice du projet, et Luce Goutelle, artiste et performer, reviennent sur une expérience d’une grande richesse.
« Le cinéma, c’est l’art de laisser revenir les fantômes. », formule mystérieuse du philosophe Jacques Derrida que m’a rappelée (Marco), dernier film d’Aminatou Echard. « Laisser revenir », comme si ce retour était affaire d’attente, d’abandon. Marco, justement, est un fantôme, comme il le dit lui-même. Venu de Bolivie, il est resté clandestinement à Barcelone pour travailler. Parce qu’il est sans droit, sans existence légale, il s’efforce d’être invisible, il se fait oublier. Il mène une vie « entre parenthèses », comme l’indique le titre du film. Comment capter au cinéma un tel effort d’effacement ? Comment restituer par l’image quelque chose de cette condition d’invisible que partagent tant d’hommes et de femmes aujourd’hui en Europe ?
Le film s'ouvre sur des images d'archives, pour la plupart empruntées à un cinéma de genre — péplum et anticipation notamment — mettant en scène, pour notre imaginaire, tant de désastres et de fins du monde possibles. Les murs de l'Acropole ont plusieurs fois tremblé au cinéma, et tout laisse à penser qu'ils pourraient bien s'effondrer aujourd'hui. Daphné Hérétakis, qui prend la question de front — et le film montrera qu'elle le fait sans détour aucun — pose, par ce geste de remploi, à la fois simple et nécessaire, le lieu et le milieu dans lesquels vont se déployer ses Archipels, granites dénudés : le cinéma, dessinant ses frontières sur un territoire ravagé par la crise, et dont il doit à sa manière rendre compte.
A l'origine d'Enfants, poussière, il y avait, pour Frédérique Devillez, le désir de travailler sur la mémoire, ses rituels, notamment celui qui consiste à refaire toujours les mêmes récits et à l'oublier aussitôt. Il s’agissait d’élaborer un dispositif au sein duquel ses enfants discuteraient avec Edith, la cousine de sa mère atteinte de la maladie d'Alzheimer. La matière d'Enfants, poussière provient ainsi de repérages effectués pour un autre projet, au cours desquels ont été glanées des images qui devaient donner lieu, peut-être, à un film futur.
HO comme H2O l’eau, HO comme le début d’Homme, HO comme Hospitalisé d’office. On fait tous des cauchemars. On est tous Michel, Jérôme, Côme, Georges et Agnès, Blaise, des anges, des passants. On est tous morts. A l’ombre. De l’autre côté. Je demande que quelques unes de mes paroles soient retranscrites en langage clair, dit l’un. Je demande qu’on repasse le film de ma vie, rien d’ennuyeux, rien de trop long, dit l’autre. C’est un corps presque toujours en disparition. Un corps d’ange.
Yael Davids / A variation on a Reading that Writes
Les visiteurs se pressent dans cet espace où la performance de Yael Davids est sur le point de commencer. Les éléments de l’installation A variation on a Reading that Writes sont disposés de manière à exclure toute frontalité directe : ici une échelle, là une corde épaisse suspendue au plafond, des panneaux de verre contre un mur, des parois en tissu noir – autant d’accessoires scéniques qui créent un environnement minimaliste.