Anniversaire : Blanche Neige / Hors Pistes

De Morsang sur Orge à Milan, de Cuba à Namur, de Tokyo au Mac/Val, de la Hague à l’Île de la Réunion, de la Fondation Cartier et du Silencio, en passant par l’Opéra de Lille, jusqu’à Manhattan, les Blanche Neige de Catherine Bay multiplient leurs apparitions à travers le monde. Des institutions culturelles, mais aussi des hauts lieux de la consommation, des plages désertes, des rues passantes ou la rase campagne peuvent être le théâtre de leurs opérations intempestives. Les Blanche Neige font irruption dans le réel le plus prosaïque, frappent par surprise, agissent comme des agents d’une inquiétante étrangeté qui contamine le quotidien et ouvre les brèches de l’imaginaire. Elles étaient d’une certaine manière les incontournables de cette édition anniversaire du festival Hors Pistes.

Catherine Baÿ développe depuis maintenant 10 ans ce projet évolutif qui court-circuite volontiers les différents régimes performatifs : de la présence incarnée des happenings, à l’occupation virale des réseaux sociaux, en passant par les formes diffuses de la légende urbaine. Il faut avouer que Blanche Neige se prête merveilleusement au jeu. Protagoniste du conte homonyme, recueilli et mis en forme par les frères Grimm, entrée dans l’imaginaire collectif sous les traits du dessin animé de Walt Disney, égérie post-pop récupérable à souhait, cette figure interroge des thèmes toujours d’actualité dans le débat contemporain.

Humour narquois et ambiguïté, latence et multiplicité des lectures possibles épaississent l’air de famille qui relie cet avatar aux personnages qui traversent les œuvres graphiques et performatives du duo de plasticiennes Hippolyte Hentgen, artistes invitées de cette dixième édition Hors Pistes. Ces images familières et néanmoins égarées, ces représentations amnésiques, rescapées in extremis du flux boulimique des médias ravivent avec discrétion et insistance les questions de la réappropriation, du pouvoir auratique exsangue et d’une certaine fascination démultipliée à l’ère de la surconsommation visuelle. Lors de cette édition anniversaire du festival, la Blanche Neige de Catherine Baÿ était donc très attendue, d’autant plus qu’elle célèbre elle aussi dix années d’interventions compulsives, imprévisibles.  

La Grande salle du Centre Pompidou est transformée pour l’occasion en plateau de télévision. Une batterie de caméras cadrent la scène, se braquent parfois sur le public. Les coulisses se dévoilent aux regards, les techniciens opèrent en vue, les spectateurs assistent aux dernières retouches de maquillage avant que le compte à rebours ne soit lancé. Experts en tous genres sont mobilisés pour ce direct pas comme les autres. Blanche Neige n’est pourtant pas là pour son anniversaire. Le phénomène est évoqué à travers des extraits d’archives vidéo, alors que des mappemondes tâchent de le localiser et des envoyés spéciaux, relayés par des multiples écrans, le traquent sur le terrain. La surexcitation paroxystique, grotesque, des intervenants, ne fait que rendre plus criarde l’absence du personnage central, avant que de mystérieuses perturbations techniques et comportementales ne viennent interférer dans le déroulé du show. Blanche Neige a muté, ses effigies démultipliées investissent avec fracas les ondes et prennent imparablement le contrôle. Neige cathodique, bruitages, pulsations stroboscopiques, messages à la lisière du subliminal constituent son appareil et celui-ci fait signe avec insistance vers le cadre plus large de cette représentation qui vient s’inscrire dans la ligne éditoriale d’un festival dédié à l’image en mouvement, quelque peu sauvage, hors pistes, qui se donne les moyens de réfléchir, pour cette dixième édition anniversaire, à ses débordements performatifs.

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IL ÉTAIT UNE FOIS, l’exposition, revient, du 31 au 14 février, sur le parcours des Blanche Neige de Catherine Baÿ.


| Lieu(x) & Co : Centre Pompidou

Publié le 26/01/2015