Or anything at all except the dark pavement se donne comme l'adaptation d'un texte de Tony Smith, artiste américain qui compte parmi les pionniers de la sculpture minimaliste. Il y décrit une virée nocturne en voiture qu'il a faite dans les années 50 sur une autoroute alors en construction dans le New Jersey. Ce voyage en voiture a été l'occasion de vivre une expérience extraordinaire, d'éprouver une émotion esthétique des plus intenses, que Théodora Barat, puisant par ailleurs dans ses souvenirs personnels, a cherché à restituer à travers un objet cinématographique.
Placés sous les signes conjoints de Michel de Montaigne et de Theodor W. Adorno, les textes rassemblés dans Jeu sérieux, Cinéma et art contemporains transforment l'essai interrogent les figures multiples et mobiles que peut prendre l'essai, littéraire ou cinématographique, qui a en propre de se réinventer constamment, à chaque fois qu'il est mis en oeuvre, parce qu'il est une forme précisément.
Interactions sensitives avec Laurie Peschier-Pimont
« La vague qui se lève, pour moi, c’est un bonjour. Et au-delà du bonjour, c’est l’appel ; donc je décide de briser le rapport de frontalité, je pars me fondre dans l’océan. » La danseuse et chorégraphe Laurie Peschier-Pimont travaille avec l’environnement. Le maritime pour son projet Waving qu’elle mène avec Lauriane Houbey et un collectif d’amateurs. Les recherches en studio ont déjà commencé à Nantes, nourries par l’imaginaire de l’océan ; les pratiques sont en train de se construire, de trouver leur dynamique et leurs interactions.
Il appartient à tout cri de pouvoir s'inscrire tour à tour dans l'expression d'une jouissance charnelle et dans le mouvement d'une longue agonie. Cette ambivalence caractérise le texte de Véronique Bergen, Le cri de la poupée, qui se donne comme une évocation fictionnalisée de la vie d'Unica Zurn, peintre et écrivaine allemande proche des surréalistes qui a traversé le 20e siècle, exposée de manière irréversible et à son corps défendant à sa période la plus trouble.
Vive le cinématographe ! de Rudolf di Stefano propose un cheminement singulier à travers le cinéma, moins comme objet que comme pratique, qui se tient devant nous, et qui, selon qu'elle s'actualise dans un sens ou dans un autre, voit les possibilités de progresser vers ce qu'elle a en propre s'ouvrir ou se fermer. Dans ce mouvement, de protestation et d'espérance mêlées, Rudolf di Stefano pose trois jalons, considérables pour l'histoire du cinéma, à partir desquels sa pensée, qui s'extériorise dans des phrases brèves, souvent jetées, presque comme des interjections, se découvre à elle-même : Robert Bresson, Jean-Luc Godard ensuite, Jean-Marie Straub et Danièle Huilet enfin. Trois cinéastes qui ont cherché des formes que le cinéma seul pourrait produire.
L’architecture, la danse, le désir et le corps, en prise directe — fiévreuse, errante, sensuelle — avec la matérialité d’une ville, Arnold Pasquier dresse un portrait amoureux de Palerme. Le film s’installe d’entrée de jeu, de par son titre même, Borobudur, dans l’écart, dans le déplacement, dans un mouvement trouble et vital. Placée sous le signe d’un conte excessif d’Arthur Rimbaud qui porte à la fois la promesse d’un amour multiple et complexe et laisse s’épanouir, dans le noir profond qui enveloppe l’intimité de cette scène inaugurale, l’ancien motif philosophique de la coïncidence des contraires, la découverte de la ville articule des catégories antagonistes.
Le film s'ouvre sur quelques rues parisiennes, qui nous sont à la fois très familières, et pourtant suspendues dans un entretemps qui n'est pas le nôtre. Sans doute est-ce l'horizon littéraire dans lequel le film veut s'inscrire qui donne à ces premières images cette dimension toute singulière d'impressions à la fois quotidiennes et inhabituelles. Une manière de reconnaître également que si la littérature nous parle, c'est d'abord et avant tout parce qu'elle parle de nous. C'est la raison pour laquelle elle doit pouvoir être reçue par le dispositif cinématographique, et le nourrir. Pour tout bagage on a 20 ans est ainsi enraciné dans notre présent et signe d'un autrefois dont notre environnement peut se laisser traverser.
De Berlin à Paris, de Bruxelles à Glasgow ou encore à Manchester, ses lèvres rouge sang et ses yeux bandés, River Lin sillonne l’Europe depuis bientôt un an, en soignant les maux invisibles et les non-dits des personnes qui participent à sa performance KISS IT BETTER. La rencontre se fait toujours en face à face, le protocole est simple et d’une douceur infinie, le geste artistique se charge d’une efficacité presque chamanique.
Que fait cette jeune femme nue à s’affairer avec des réflecteurs, à porter, visser, hisser des lumières dans les hauteurs du plateau ? Et qui se cache, immobile, sous des multiples couches de frusques bariolées, au centre de la scène ?
Avec La parole perdue et retrouvée de Marc Scialom, les Editions commune poursuivent ce travail précieux entre tous d'exhumation, et d'une certaine manière, au gré d'efforts constants, de constitution d'un patrimoine du cinéma engagé. Le paradoxe, c'est que Lettre à la prison est tombé dans l'oubli, entre autres motifs, pour avoir été finalement trop peu militant aux yeux de Chris Marker, qui, après avoir prêté à Marc Scialom la caméra lui permettant de tourner, ne lui a pas donné l'appui nécessaire pour que l'aventure du film soit sanctionnée par sa diffusion en salle, ce qui aurait sans doute permis à son auteur de poursuivre ce vieux rêve qu'il avait de devenir cinéaste.