Que fait cette jeune femme nue à s’affairer avec des réflecteurs, à porter, visser, hisser des lumières dans les hauteurs du plateau ? Et qui se cache, immobile, sous des multiples couches de frusques bariolées, au centre de la scène ?

Jonas Chéreau et Madeleine Fournier travaillent ensemble depuis 2008. Féminin – masculin, exposé – caché, défini – informe, actif – passif, chaud – froid, proche – lointain, lis – rêche. Pour Sexe symbole (pour approfondir le sens du terme) ils s’attaquent aux catégories binaires, les mettent en branle, les exposent aux interrogations faussement naïves, creusent des écarts et font des pas de biais, regardent du côté du sens commun pour mieux explorer les marges de liberté que chacun assume ou peut s’accorder.

En ligne de mire la volonté d’embrasser conjointement matières, émotions et sensations.

En sous texte – derrière les situations volontairement très évidentes, teintées d’humour, cocasses – une énorme qualité d’écoute, concentrée à la fois sur l’expérience et son expression, attentive aux infinies nuances dans les relations subtiles entre l’intérieur et l’extérieur, l’acteur et l’observateur, celui qui initie le mouvement et celui qui en accuse réception, nuances qu’elle déniche dans les plis de la chair, dans les regards et qu’elle rend actives. La question du désir polymorphe, désinvolte, n’est jamais loin.

Le public, importante variable de ces équations sensibles, facilite, assiste et valide des processus ingénieux qui aboutissent à la construction d’outils conceptuels et sensoriels à même de semer le doute, faire bouger les catégories initiales et appréhender l’exubérance de la dernière partie de la pièce.

La danse joue à tour de rôles la carte de la complémentarité, sans cesse réinventée, de la symbiose et du défi fertile qui ne fait que stimuler l’écoute et les élans. La danse encore installe une nécessaire circulation et vient brouiller toute tentation manichéiste. Les apparences changent, les corps se prêtent aux jeux de transformations. Se tenant par les mains, Madeleine Fournier et Jonas Chéreau tournent de plus en plus vite, s’entrainant l’un l’autre dans un jeu qui semble les ramener à une insouciance enfantine. 

Cette danse explose enfin, dans une énergie et une joie communicative, libératrice qui laisse place aux flux de pulsions profondes, affranchie de toute autocensure. Des courants secrets la traversent. Des sauts entre les différents niveaux et registres troublent durablement la donne, fraient le chemin d’une qualité de pure présence dans ses manifestations les plus directes, immédiates. Les catégories jusque là mises à l’épreuve, explosent de l’intérieur, emportées par le souffle d’une sensualité rayonnante, irrésistible, souveraine. 

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Sexe symbole (pour approfondir le sens du terme)  de Madeleine Fournier et Jonas Chéreau a été présenté au CND les 4 et 5 juin 2015.