Ecce terra, et cetera / Guillaume Linard-Osorio

Quelque chose de difficile à nommer nous happe dans les images d’Os Candagos (2010, vidéo couleur, DVPAL 4/3, 8 minutes). Les terres rouges s’étendent vers un horizon lointain, ouvert. Des architectures singulières déploient leurs lignes de force rétro-futuristes. Les mouvements patients de la caméra font état d’un foncier inachèvement, épaississent cette trouble atmosphère d’indétermination, entre le chantier et la ruine, entre l’attente et l’oubli, dans un moment suspendu, qui semble se suffire à lui-même.


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I will come back as a baby / Je reviendrai comme un enfant

(Christian Merlhiot, 92 minutes, 2013)

Face à la beauté complexe d’une situation qui échapperait à toute rationalisation excessive, Christian Merlhiot crée les conditions d’écoute de ce qui, loin de toute anomalie ou fantaisie, s’avère assez étonnant et puissant pour questionner notre vision du monde.

I will come back as a baby entremêle une série de rencontres avec des habitants d’Igloolik, petite communauté inuit de l’Arctique canadien, à la fin de l’été 2009. L’acteur Nasri Sayeh, visiteur venu d’ailleurs, endosse pour le cinéaste le rôle de l’intermédiaire. A mesure que les entretiens s’enchaînent, nous découvrons un autre monde généalogique dans lequel des noms hérités des ancêtres sont transmis de génération en génération et où l’esprit des morts côtoie le corps des vivants, au-delà du sexe, de l’identité et du genre.


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Air de Vincent Dupont

Chants, oraisons, rythmes saccadés, souffle amplifié jusqu’à la déchirure, voici quelques uns des leviers que Vincent Dupont sollicite pour créer un espace respiratoire commun, Air, et les conditions de possibilité d’une expérience d’intensification et d’étirement, un rituel contemporain.


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Latifa Laabissi / Adieu et merci

Mouvement du corps, mouvement des idées, mouvement des espaces se conjuguent dans la nouvelle création de Latifa Laabissi. La chorégraphe ancre sur le plateau l’insaisissable porosité des environnements physiques et imaginaires, matérialise la frontière et son perpétuel déplacement, ses transparences, sa nécessaire permissivité, signe ainsi une pièce d’une rare intensité.


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Quel jugement devrais-je craindre ? de Pierre Weiss

Un homme et une femme se font face dans un salon. Leurs échanges semblent réglés par des codes sociaux biens établis. La bienséance est particulièrement ostensible, et pas un mot plus haut que l’autre ne vient troubler l’apparaître d’une situation dont le fond est pourtant, quant à lui, travaillé par un dérèglement manifeste. L’homme et la femme, qui forment sans doute un couple bien installé dans l'existence, s’adressent une phrase particulièrement violente si nous écoutons le lieu véritable de son énonciation, dans une tonalité et un registre affectif qui lui semblent particulièrement inappropriés.


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Who Chooseth Me de Pierre Moignard

Une fois passée la nuit que fait exister, d’un point de vue sonore, le chant des grillons à l’ouverture du film, la toute première attention de Who Chooseth Me sera pour deux visages possibles d’une seule et même humanité. Dans la moitié gauche de l'écran, un jeune homme, emmitouflé dans un sac de couchage, allongé dans le sable. Lui succède immédiatement, dans la partie gauche du cadre, le visage d'une jeune femme qui, semblant répondre à une indication venue de la caméra, regarde autour d'elle. Ces premières images posent le dispositif filmique de Who Chooseth Me et nous permettent, au seuil de notre entrée dans le film, de sentir ce qu'il engage.


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François Chaignaud et Cécilia Bengolea / Dub Love

La salle est comble, les gens sont serrés, se serrent plus, l'attachée de presse est tendue, trop de réservations, trop de confirmations de réservations, peut-être, c'est la première de F. Chaigneaud et C. Bengolea.

En face, un plateau presque vide : un soundsystem (enceintes) et un projecteur comme seul décor. Aussi un miroir ? On peut se demander si ce miroir fait partie de la scénographie ou si les deux chorégraphes l'ont intégré, après coup ; si sa saleté et les traces de main sont volontaires ou si elles ne sont que le résultat des échauffements et répétitions.


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Jonas Mekas. Films - Vidéos - Installations

L'initiative de Pip Chodorov, qui a consisté à fixer une état de la filmographie de Jonas Mekas, vient combler une lacune importante. La disparité des oeuvres et des informations dont nous disposons, la multiplicité des structures qui les ont ou bien provoquées, ou bien accueillies dans leur catalogue, rendent très incertaine la visibilité que nous pouvons avoir de la filmographie du cinéaste dont la pratique est si libre qu'elle ne cesse de produire des résultats nouveaux sans que nous puissions en prendre acte. S'agissant de Jonas Mekas, les difficultés sont accrues par la méthode même de fabrication des films, que le cinéaste a éprouvé tout au long de sa vie, et qui consiste à collecter une quantité d'images qui pourront être montées — ou non — bien des années après qu'elles aient été tournées. Nous disposons donc aujourd'hui d'une documentation arrêtée sur ce qu'il est convenu d'appeler la filmographie de Jonas Mekas, laquelle comprend bien autre chose que des films, et c'est heureux.


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Chemin faisant. Autour des performances de Beat Lippert

Comment renouveler le regard que nous portons sur un objet, quand celui-ci est irrévocablement attaché, ce qui est souvent le cas des œuvres du patrimoine, à son contexte d’existence ? Beat Lippert engage, dans plusieurs de ses travaux, des processus de duplication et de transport d'œuvres culturelles — voire cultuelles, s'agissant de Sepultura — préexistantes. Les performances qu'il propose opèrent un double déplacement, un déplacement à la deuxième puissance. 


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Etats de la matière de Pauline Bastard

La sculpture, dans plusieurs de ses dimensions, met en évidence que le retranchement est un moment décisif de l'œuvre d'art, et peut même devenir l'une de ses conditions de possibilité les plus intimes. Il faut souvent retirer de la matière à la matière pour lui adjoindre une forme. Cette affirmation peut sembler fort triviale. Elle nous rappelle pourtant que le geste artistique peut naître d'avoir affaire à un trop plein, à un excès de présence auquel il doit se confronter, et ainsi le rencontrer véritablement, pour se déployer.


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