Autour du film Incandescence des Hyènes (2020) de Nicolas Matos Ichaso
In girum imus nocte et consumimur igni. Ou : « Nous tournoyons dans la nuit et nous avons été consumés par le feu ». Mais en traduisant on perd le jeu circulaire du palindrome latin, qui retourne sur lui-même en recomposant dans le deux sens une même phrase. Ce vers pourrait suffire – cela serait assez pour résumer ton premier film, Nicolas, présenté enfin au Cinéma du Réel après avoir été colporté entre l’Ethiopie et Saint Etienne pendant 8 ans, par une patience têtue. Le film d’un noir labyrinthique dans lequel on erre à la recherche des braises où s’affairent les forgerons de Harar.
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Incandescence des hyènes de Nicolas Matos Ichaso sera présenté en première mondiale dans le cadre du festival Cinéma du réel, les 20 et 21 mars prochain. Plus d'infos sur le site du festival : https://www.cinemadureel.org/film/incandescence-des-hyenes/
Si les documentaires sur les hôpitaux psychiatriques sont relativement nombreux, plus rares sont ceux faits par les patients eux-mêmes. Certains centres de jour ou centres d’activités thérapeutiques à temps partiel, tels que le Club Antonin Artaud de Bruxelles ou le CATTP de Montrouge, disposent d’ateliers vidéos où les personnes en situation de fragilité mentale peuvent produire des films, de façon collective ou individuelle mais accompagnée. Nombre de ces films sont montrés dans des festivals tels que celui organisé par l’association Mediapsy : « Rencontres Vidéo en Santé Mentale ».
L’essai proposé par la cinéaste Aude Fourel, depuis l’annonce des premières stations de son trajet, est sans arrêt, tout en rencontres, en sillons, dans l’aspérité des images, des amorces de la pellicule super 8 ou du crépitement de vinyles. Le film partage des témoignages, des langues parlées. Il redessine surtout une carte, en partant de l’Italie pour la Tunisie et l’Algérie, tout en mobilisant les souvenirs des militants, à Saint-Etienne, de La Révolution algérienne. Un voyage qui permet de faire écouter les mots et les chants du peuple algérien en guerre.
Comment livrer son regard sur la situation d’un pays auquel, pour des motifs culturels ou politiques, nous n’avons pas accès ? comment répondre d’un événement quand le contexte où il se produit nous interdit de venir poser les yeux sur lui ? Acércate Más de Danielle Vallet Kleiner, cinéaste voyageuse s’il en est, veut dresser le portrait d’un pays secoué par une crise économique et politique, le Venezuela, qui a connu récemment de nombreuses manifestations réprimées avec une violence inouïe.
Mrs Fang, récemment récompensé au festival de Locarno, est un film à retournements pour un personnage que la maladie a rendu immobile. Plus exactement, le film est parcouru de rotations que la projection inscrit durablement en mémoire.
Un regard. La force qu’il charge tient à son apparition brute et vidée de sens. Tout commence et tout s’achève de ces yeux qui possèdent déjà ce qu’ils regardent. C’est un glissement progressif et un événement, le visage comme seul paysage. Une île, tremblante de ses formes, ébène ou ivoire, de chair et de sang, écorchée ou lisse – une île comme autant de corps soumis aux vents et à l’assaut des vagues.
Tinselwood est sans doute un peu plus un film sur un lieu que sur les liens entre ses habitants, puisque la relation à ses protagonistes ne provoque pas de croisements clairs, plutôt un éparpillement, du dispars (sans disparition, toutefois). Ce lieu est la forêt primaire en lisière du Sud-Est camerounais ; il est question, à travers la parole de quelques travailleurs, de son histoire coloniale (allemande à la fin du dix-neuvième siècle, puis française après la première guerre mondiale), de l’exploitation des ressources naturelles, des richesses, de la dévastation d’une économie, mais aussi de croyances ancestrales qui persistent à travers une sorcellerie qui bricole avec le milieu végétal.
Si L'Héroïque Lande résiste à une écriture rapide, peu ou prou journalistique, ce n’est pas tant parce que le film impose une admiration intimidante, par son ampleur ou encore parce qu’il aurait pour unique visée « le subi ». D’ailleurs, le film ne vise pas, même juste, il reçoit, accueille, selon une inversion proprement cinématographique de la construction du regard et de l’écoute. La raison de la difficulté de rendre ainsi compte du film est beaucoup plus aimable, puissante et heureuse — ce qui est l’exact inverse de se jouer du malheur et de la misère tragique des jeunes gens que le film sait écouter et frôler dans la Jungle de Calais : le film de Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval expose des singularités quelconques.
Les plans sont ceux de lieux, d’un repérage qui serait non pas l’avant du film, mais le film en tant que tel. Il convoque ainsi encore une fois la méthode Adachi, celle d'A.K.A. Serial Killer. Les plans de lieux, sans figure principale, sont le fond d’un film, avec un tremblement continu du cadre, une imperfection flottante du non finito.
Madeleine vit à la campagne entourée de poules, d’un vieux chien et de Toto ; sans doute a-t-elle au moins 75 ans, sa chevelure grise n’a jamais besoin d’un apprêt forcé. Il faut dire que Madeleine a décidé de faire d’un sanglier son compagnon, d’élever ce « Toto » au biberon, qu’il tète "comme un cochon"...