Pousser la porte de la Fondation Kadist nous conduit à pénétrer dans un étrange sanctuaire où le monde extérieur nous saisit avec une force insoupçonnée, dans une kyrielle de voix à la fois familières et enchanteresses, tissant les épaisseurs d’une multitude de fictions phonographiques. Le pouvoir du son est augmenté par un traitement de l’espace qui revendique un dépouillement minimaliste, véritable caisse de résonance, avec ses aspérités, tout sauf lisse et impersonnelle, marquée par les traces d’un corps à corps acharné.
Un corps nu, vu de dos, apparait d'abord dans un état de virilité, comme une force contenue et sur elle-même repliée. C'est une carrure, livrée dans une ambiance sonore singulière, qui vient donner un poid supplémentaire au fond obscur sur lequel cette figure solitaire apparait, et dont elle ne pourra se soustraire à aucun moment. White Epilepsy se donne d'emblée comme un mouvement d'étrangeté visuelle et sonore, une abstraction en acte, qui est moins un postulat qu'un procesus et son résultat : un estrangement. Cette décision plastique est une manière de reconduire le corps à sa seule présence, de le chercher au lieu-même de son immédiate puissance d'expression.
Ses interventions performatives étaient très attendues. L’instant, le vivant, voici son terrain de prédilection, même si le projet curatorial MISSING MISSING au centre d’art contemporain La Ferme du Buisson nous a montré qu’Emily Mast arrive parfaitement à négocier la temporalité longue d’une exposition monographique.
Après avoir puisé pour ses précédentes créations dans les courants souterrains de l’Odyssée d’Homère, Kat Valastur semble regarder pour cette nouvelle pièce du côté de la descente graduelle de l’Inferno de Dante. Le motif du cercle rythme le travail, repris jusqu’à l’épuisement, il laisse progressivement filtrer sa puissance archétypale.
Le cinéma partage avec la poésie la possibilité de faire exister, dans une concomitance qui ne demande a priori aucune justification extrinsèque, des temps et des espaces séparés. Qu'un dedans sans fenêtres apparentes puisse ouvrir sur une extériorité qui se tient loin de lui ne fait que rappeler la liberté gratuite et aventureuse du montage, dont la vocation est sans doute de déplacer des lignes dans le paysages à partir de matières variées, où notre regard peut être guidé et se perdre tour à tour, comme lorsqu'il s'abandonne à un horizon offert tout entier et pourtant retenu dans le secret de sa mystérieuse présence.
Les premiers accords agressifs du morceau « Orphans » de Teenage Jesus and the Jerk, les cris de Lydia Lunch qui répondent à la guitare électrique, l’image abîmée d’une silhouette courant sur la route, la carcasse d’un véhicule en flammes illuminant la nuit. Puis le silence, des murmures, la prière d’un groupe de filles appartenant aux Guides Unitaires de France (association scout traditionnaliste), leurs chants pendant une messe célébrée dans la forêt. La texture de l’image est encore très dégradée, comme si la violence, le bouillonnement des premiers plans étaient encore là mais masqués, sous-jacents. Dès la séquence d’ouverture, 6X6 invite le spectateur à se méfier des apparences.
L’exposition comme chanson qui raconte en pointillé une fiction non-linéaire, gorgée d’émotions à la fois troubles et familières, à la lisière des arts visuels et de la performance. L’exposition comme jeu entre l’absence déclarée – Missing Missing, le titre même du projet curatorial – et multiples signes de présence et réactivation, où les objets ont un statut à jamais hésitant : sculptures ? décors ? poèmes visuels ? fétiches ? énigmes ? L’exposition comme procession rythmée par un refrain que chacun peut s’approprier. Emily Mast envoûte les espaces du Centre d’art La Ferme du Buisson.
Une image blanche, ouateuse, dans laquelle deux silhouettes peinent à se préciser. Le flou dans lequel elles sont prises décide de leur forme et donne à ce Phénix qui vient un caractère qu’il épouse dès ces plans liminaires et qu’il va assumer jusqu’à son dernier souffle. C’est l’annonce d’une sorte d’intranquilité du regard, dont les possibilités sont mises à mal et doivent se rejouer à chaque instant. Le film est une vision qui doit se mettre en danger, comme les figures auxquelles il s’attache.
Plasticienne et scénographe, Nadia Lauro multiplie depuis une quinzaine d’années les collaborations avec des chorégraphes et autres écrivains de plateau. Ainsi Jennifer Lacey, avec laquelle l’artiste a déjà signé plusieurs pièces, Latifa Laabissi, avec qui elle prépare une nouvelle création pour la saison prochaine au théâtre de Nanterre-Amandiers, le fort regretté Alain Buffard, ou encore Vera Mantero, Benoit Lachambre, Emmanuelle Huynh et Fanny de Chaillé.
Les voyants s’allument, les systèmes s’activent, la navette spatiale est sur le point d’entamer une nouvelle trajectoire. Le plateau constitue une excroissance du vaisseau, invraisemblable et pourtant parfaitement assumée par le Corps diplomatique, le nerf de la guerre même et le cœur de son projet interstellaire : le module Jean Vilar, spécialement conçu pour le spectacle vivant et pas seulement pour le théâtre, comme s’empresse à le souligner une membre de l’équipage au journaliste qui s’attarde à faire son reportage à bord juste avant le détachement de la station orbitale.