Jouée lors des Rencontres cinématographiques de Cerbère / Port-bou, J'ai mis neuf ans à ne pas terminer de Frédéric Danos est une perfomance filmique de Frédéric Danos dont le montage, commencé devant un écran, se poursuit dans la salle de projection.
Qu’est ce que le miroir n’arrive pas à savoir ?
Quel est le visage de l’amour ?
Ce sont des questions presque naïves, d’une simplicité désarmante. Elles enclenchent néanmoins de redoutables processus d’introspection. Les réponses se défient, à chacun de trouver ses chemins. Claudia Triozzi donne en partage des problèmes essentiels, de vie et de mort, d’amour et de feu. Ce retour à soi entraine dans son sillage une pièce dure, âpre, incisive, brulante, charriant énormément de matières qui se répondent dans des résonnances multiples, se font écho dans une polyphonie millimétrée. Tout est en tension : les corps, les voix, les images, la paléoanthropologie et les fêtes foraines.
Note sur Go Forth, un film de Soufiane Adel, 62 minutes, 2014
C'est avec un léger retard sur l'heure de Paris et la dernière édition de Cinéma du Réel, à la faveur d'un passage au Festival du nouveau cinéma qui s’est tenu du 8 au 19 octobre 2014 à Montréal, que je découvre Go Forth de Soufiane Adel. Le film est présenté au sein de la section Panorama qui, comme le FNC Lab, regroupe les œuvres les plus singulières du Festival : des films qui cherchent, plutôt qu’à imiter les genres, l’adéquation entre leur raison d’être et leur expression.
Des films pris entre l’origine du monde et la fin du monde. Entre fondu au blanc et explosion noire. Entre « vivre et mourir » comme l’écrivait Marguerite Duras dans son film/livre L’Homme atlantique (1981/82) cité en sous-texte, à l’infini comme l’enchevêtrement des miroirs des Roches Noires, dans L’Homme atlantique, réalisé par Marylène Negro en 2008.
Le titre du film porte un paradoxe que le montage déplie à sa manière. Comment une lettre peut-elle être vide sans cesser de facto d'être ce qu'elle est ? Une lettre peut-elle être une pure adresse sans contenu ? Avant de porter un message à la connaissance de son destinataire, elle tisse un lien. Ce qu'elle envoie ne serait rien sans l'acte d'adresser, qui en est sans doute l'élément décisif. Ceci est particulièrement mis en évidence dans le film de Sarah Klingemann, qui veut donner à voir des mouvements sans nous donner précisément leur origine ni leur terme.
Le dernier film de Marie Voignier, Tourisme international, nous transporte en Corée du Nord, au coeur d'un pays dont on ne peut rien voir. Par un minutieux travail de déconstruction, l'artiste nous invite à questionner le visible et le récit qu'il construit : Documentaire ou fiction ? Paysages ou décors ? Habitants ou acteurs ? Ou comment passer de l'image à l'imaginaire et subvertir l'esthétisation totalitaire.
Le film s'ouvre sur des plans tournés de nuit sur un bateau. Des contours de visages en clair-obscur nous laissent deviner la ville en arrière plan. L'eau reflète des lumières rouges et bleues. Charlie Rojo entre dans cette ville dont il veut faire le portrait par son port, dont le Tzar a décidé la construction, apprend-on, en 1703, donnant ainsi naissance à une ville qui devait devenir la capitale de la Russie, jusqu'en 1918.
Découvert lors des rencontres cinématographiques de Cerbère / Port-Bou, dans le cadre d'une séance programmée par Tess Renaudo du festival l'Alternativa à Barcelone, Tzventanka de Youlian Tabakov fait voler en éclat les distinctions habituelles, et souvent paresseuses, entre fiction et documentaire, en proposant une biographie familiale et intime enracinée dans le présent d'un acte de cinéma libre et fécond.
Son moteur tout juste enclenché, une caméra est posée sur une plage du nord, l'objectif orienté vers le sol, laissant au hasard le soin de rassembler pour lui les jeux de deux enfants qui creusent dans le sable. La bande son du film indique la présence hors cadre de leur mère et d'Edith, qui assistent à leurs trouvailles tout en discutant de ce qui les a conduit là, ce jour.
Jacques Perconte descend dans la sacristie du vieux Collège cistercien pour y proposer une expérience inédite, et montrer comment ce lieu communique avec un monde dont la richesse est inépuisable, par le mur même qui l’en sépare. C’est le monde de l’art, mais c’est le monde de la vie aussi bien. Les compétences technologiques incroyables qu’engage la pratique de Jacques Perconte se mettent ici au service d’une simplicité saisissante.