Aucune écriture préalable n'a présidé à la réalisation des Cheminants. Il s'est fabriqué sans préparation ni répétition. Le film procède plutôt d'un désir, celui de suivre trois danseurs. Chacun d'entre eux a été invité à choisir 5 termes qui ont été gravés dans du bois de hêtre. Ces mots irriguent le film en le plaçant au carrefour de multiples sens, de diverses possibilités de déploiement.
La pratique de Jacques Perconte est ouverte à la forme du paysage, et développe une dramatique qui se joue toujours dans des tensions chromatiques. La question qui inquiète Jacques Perconte est la suivante : comment dépasser cette dimension technique, somme toute assez banale, pour ressaisir la machine dans un travail personnel et singulier, où vient précisément s'abolir et disparaitre la technique en tant que telle. A cet égard, il est significatif que lorsqu'il réalise un film, Jacques Perconte commence toujours par le déplier et le dérouler, avant de n'y appliquer les effets de compression qui viendront transformer ce travail de montage.
Les films de Louis Sé s'inscrivent tous dans une volonté d'explorer d'une manière inédite l'outil cinématographique. Nourrir l'animal, Ensuite, ils ont vieilli ou encore La chambrée occupent tous, selon des accents qui leurs sont propres, les zones d'indécision entre les territoires du documentaire et de la fiction, et invitent depuis cet espace à interroger notre présence aux autres et au monde, avec toute la complexité et les difficultés que cela induit souvent.
La plupart des films projetés lors de cette rencontre ont été tournés en super 8, un support qui engage une forme d’attente et de temporalité spécifiques, entre le temps du tournage et le moment où ce qui s’est imprimé sur la pellicule sera révélé. Cette dimension, dont nous sommes de moins en moins familiers, induit un rapport très singulier à la réalisation. Mais la raison principale qui a conduit Fabrice Lauterjung vers le super 8, c’est la volonté de travailler autour de l’articulation narrative minimale au cinéma, c’est-à-dire autour du photogramme (Vertov, Kubelka, etc).
Yaïr Barelli n'est pas familier de l'outil vidéo. Son travail se déploie ordinairement dans le champ du spectacle vivant, et plus singulièrement de la danse et de la performance. Ici, la vidéo est un outil au service de multiples interrogations. Il permet notamment de questionner la place qu'un artiste peut et doit occuper dans les dispositifs de résidence de tous ordres.
Les films proposés pour cette séance sont, pour l'essentiel, pensés et conçus pour une diffusion Internet. Particulièrement courts, ils engagent une narration simple et autonome, qui permet de les recevoir pleinement, sans références à l'ensemble dans lequel ils s'insèrent possiblement. Le fait de voir ces films assemblés et projetés dans un certain ordre sur un écran change le rapport qu'ils instaurent habituellement. Leur plasticité devient peut-être plus évidente, et de nombreux liens semblent les unir secrètement.
Le film est né d'une situation singulière. Le réalisateur, Frédéric Danos, avait des questions très personnelles à poser à son oncle Philippe concernant sa famille. Ce contexte signalait un film possible qui en même temps semblait irréalisable. A la même époque, le réalisateur découvre Numéro zéro, un film important dans lequel Jean Eustache cherche à se débarrasser de tous les artifices cinématographiques pour faire un portrait en plans séquences de sa grand mère selon un dispositif à deux caméras, permettant de filmer pendant deux heures sans interruption, afin de créer les conditions, cinématographiquement rares, d'un accueil de la parole.
La séance Cinéma / Parole de novembre s'est exceptionnellement déployée en deux temps, autour de la pratique de Julien Bal, metteur en scène venu évoquer une pièce à venir (D'A Gibraltar) qu'il développe actuellement, et pour laquelle le film Carnet de notes pour une Orestie africaine de Pasolini est une référence très importante. Le premier temps de la rencontre a permis à Julien Bal d'évoquer les directions d'écritures qu'il souhaite prendre, et le second, d'échanger autour du film de Pasolini et de l'idée de création qui le sous-tend.
J'aimerais revenir ici sur la discussion qui a suivi la projection de mon film Tentative d'épuisement d'un lieu parisien (sur le texte de Georges Perec) au collège des Bernardins le dimanche 16 octobre.
A la lecture de Tentative d'épuisement d'un lieu parisien, il était évident pour Jean-Christian Riff que ce texte allait constituer la matière d'un film futur. Déjà quand il travaillait sur Printemps, son premier film, le cinéaste s'interrogeait sur la manière de filmer des lieux qui reviennent et dont nous sommes familiers. C'était plutôt Espèce d'espaces qui accompagnait alors sa réflexion. Avec Tentative d'épuisement d'un lieu parisien, cette même question se présente dans une source littéraire qui signale en elle-même la possibilité d'un dispositif dont un film pouvait proposer la reprise. Tentative d'épuisement d'un lieu parisien se donne donc en premier lieu comme un exercice d'actualisation du texte éponyme de Georges Perec.