En rassemblant une centaine de vues dont le statut ordinaire serait de nous faire passer à d'autres formes que celles qu'elles présentent elles-mêmes — toutes les images qui composent ce recueil ont en effet en commun d'être l'ultime photogramme ou vidéogramme d'une séquence filmée, rien n'étant dit par ailleurs sur l'origine ou le lieu de déploiement desdites séquences — Jérôme Mayer propose de retenir un monde qui se dérobe constamment, d'offrir au regard ce qui lui échappe nécessairement.
Prolongé d'un rien, Journal de bord d'un quartier créatif s'efforce de ressaisir, à travers notes, souvenirs et images, ce qui s'est joué entre juin 2011 et octobre 2013 à la cité de l'Abeille à la Ciotat, peu de temps avant une démolition programmée. L'effort, porté par Martine Derain, selon une logique inclusive de volontés plurielles, était de rencontrer les habitants, avec les joies et les souffrances que cela implique nécessairement, de capter, pour le solliciter, ce qui en eux peut participer d'une production collective de formes et de traces. Ce qui est vivre.
Projet initié à l'occasion d'une projection de Je t'ai dans la peau de Jean-Pierre Thorn, qui a eu lieu lors d'une rétrospective consacrée au cinéaste au Polygone étoilé à Marseille, ce nouvel opus de la collection "Cinéma hors capital(e)" que proposent les Editions commune réunit diverses plumes pour donner à voir comment des préoccupations toutes singulières — mai 68, la lutte syndicale et le mouvement hip hop notamment — se rejoignent dans un désir sincère de comprendre les aspirations des classes populaires. Et il n'est pas anodin que plusieurs formes cinématographiques — films militants, fiction, documentaire — puissent servir à cette expression.
L'ouvrage de Raphaël Bassan trace, selon la méthode de l'abécédaire, les contours fluctuants, et dont le sens même est de ne jamais se figer, de ce territoire singulier que nous appelons le cinéma expérimental. Pourquoi un abécédaire ? Sans doute parce que l'on serait bien en peine de donner une définition rigoureuse de cette expression autrement qu'en présentant les productions qui se rencontrent à travers elle. S'il existe un cinéma expérimental, nous ne pouvons le connaître qu'à en faire l'expérience. C'est sans doute le premier enseignement de Raphaël Bassan, qui est, comme le rappellent les textes introductifs de Dominique Païni et de Nicole Brenez, de toutes les séances où peuvent être joués des films expérimentaux, qu'elles proposent un retour sur des oeuvres historiques ou permettent à des tentatives de la plus jeune avant garde de rencontrer les écrans.
Plongés dans les archives Guattari, Graeme Thomson et Silvia Maglioni tombent sur un scénario de film de science fiction écrit par Félix Guattari, et tout une série de documents permettant de recomposer la genèse de ce projet qui ne verra jamais le jour, mais qui mérite cependant d'être inscrit dans l'histoire de ce cinéma de genre, qu'il travaille peut-être lui-même à la manière de cet Infra-Quark, cet univers microscopique, placé dans un recoin de notre monde, et capable de le parasiter.
La Belgique a offert, parfois en toute discrétion, des signatures cinématographiques considérables, notamment dans le champ du documentaire, qui est du cinéma tout court, et sans doute le lieu où cet art, vivant de se tramer avec le monde, peut chercher et trouver à déployer des formes qui lui appartiennent en propre. Compris comme l'alliage précieux entre une image et un son, le cinéma, quel que soit le registre dans lequel les auteurs se situent, fictionne et documente à la fois, ce que rappelle le texte de Jean Breschand avec une justesse et une intelligence certaines, qui s'efforce de saisir les 20 films proposés pour composer l'ouvrage dans un mouvement qui les inscrit et les fait communiquer avec l'histoire du cinéma mondial.
Proposition chorale et polyphonique, Chorégraphier l'exposition montre la nécessité où se trouve la performance de se penser elle-même, dans ses modalités de manifestation. Si l'acuité de la performance tient à sa nécessaire inscription dans la présence, dans un ici et maintenant, la question se pose effectivement de savoir comment l'exposer.
Les lieux du cinéma sont pluriels, et les pratiques qu'il peut engager le sont également, la première étant peut-être l'écriture littéraire. Le livre de François Barat interroge à plusieurs nvieaux les liens qu'entretiennent le film et l'écriture, en partant du constat simple, emprunté à Jean-Luc Godard, selon lequel écrire, pour les cinéastes, et encore une manière de faire du cinéma : "Au temps béni des évangiles selon Godard, il disait (en ce temps là, donc !) qu'écrire était pour les cinéastes une certaine manière de faire des films, écrire du cinéma, c'était selon Godard faire aussi une sorte de cinéma" (p.109).
Comme tous les champs de la création, le cinéma communique avec les autres arts, et de manière privilégiée avec la peinture. Le cinéma, un art plastique est un recueil d’articles qui pose la question des relations du film, sans pour autant mettre un accent particulier sur un cinéma plasticien, avec l’espace muséal. Il ne s’agit pas tant en effet pour Dominique Païni de montrer que le cinéma se nourrit et se laisse transformer par une plasticité empruntée à un autre horizon que le sien, mais d’affirmer qu’il engage un faire qui a toute légitimité à rejoindre les cimaises des musées, cet espace différent de la salle et qui peut induire un regard neuf, poser autrement la question de l’épreuve d’un film dans sa temporalité.
Les figures du renversement sont diverses, et permettent de penser le cinéma dans des directions variées. Conçus comme des collections d'articles préexistants, les deux volumes publiés sous le titre Renversements aux éditions Paris Experimental permettent à Erik Bullot de tracer un itinéraire frappant par sa cohérence et par le spectre qu'il embrasse à travers l'histoire des formes en mouvement.