Aéroport de Clément Postec

Le film s'ouvre sur une prise d'otages. Dans la panique, une hôtesse de l'air prend la fuite. Tout l'objet d'Aéroport sera de l'accompagner dans cette course sans fin, et de l'envoyer vers une série de rencontres improbables, inexplicables et que la trame narrative ne cherche jamais à justifier.

En laissant volontairement inaccessible toute une part de son récit, pour nous donner véritablement les fleurs qui poussent librement de son imaginaire, Clément Postec reconduit le geste cinématographique à un pur élan vital. Le film donne en effet pour seules évidences la course, le souffle haletant, les corps qui s’étreignent, le monde qui nous montre ses véritables dimensions quand des silhouettes le traversent avec hâte. Aéroport semble donner à voir les signes d’une vie en acte pour mieux épaissir le mystère des situations où elle est plongée, et réciproquement, il met en évidence ce que les moments d’égarement dans les bois, en bord de mer ou parmi des ruines ensablées ont d'insondable, quand ils sont traversés par un cœur qui ne doute jamais qu’il doit battre, même si rien ne permet de comprendre pourquoi il est là, entre ciel et terre, ni comment il y est venu.

Cette fantaisie de narration peut avoir quelque chose de déconcertant. Clément Postec ne cherche pas tant à déconstruire les processus narratifs, comme si les partis prix de mise en scène devaient engager une posture théorique, qu’à avancer, aux côtés de sa comédienne, sur les chemins de la recherche et du risque librement consentis et partagés. Une liberté formidable - et redoutable à la fois - est donnée à Louise Moaty qui engage le film à chaque instant, c'est à dire peut le perdre, mais aussi l'ouvrir et l'emmener  dans une direction proprement inédite. Pourquoi le cinéma s'il ne tente rien et craint les biffures, qui sont pourtant le propre de l'écriture ?  C'est finalement la question que nous adresse ce film atmosphérique, en se plaçant, volontairement ou non, sous le patronage de Jean-Luc Godard et de quelques autres. Être là, avoir une idée en tête, et chercher comment la matérialiser suffit à faire film, à tirer une fine pellicule à la surface de la terre pour y faire surgir de nouveaux détours où nous pourrons nous égarer à loisir, et par là, nous trouver enfin nous-mêmes.


| Auteur : Rodolphe Olcèse
| Films(s) ou œuvres : Aéroport
| Artiste(s) : Clément Postec

Publié le 15/10/2013