Stan Brakhage est l'un des cinéastes expérimentaux les plus importants, aussi bien qualitativement que quantitativement : entre 1952 et 2004, il a réalisé un peu plus de 300 films, pour la plupart des court métrages. Il a également participé à la fondation des structures de diffusion et de conservation alternatives qui ont assuré la visibilité de ce cinéma en marge de l'industrie : la Film-Maker's Cooperative en 1962 aux côtés notamment de Jonas Mekas, Shirley Clarke et Gregory Markopoulos, et l'Anthology Film Archives en 1970 avec Jonas Mekas, Jerome Hill, Peter Kubelka et Paul Adams Sitney. Il est également un théoricien considérable, ayant publié des ouvrages tels que Metaphors on Vision (1963), A Moving Picture Giving and Taking Book (1971), Film Biographies (1977), Telling Time: Essays of a Visionary Filmmaker (2003) et donné de nombreuses conférences.
Dans son ensemble, la démarche cinématographique de Brakhage est orientée par une recherche de la pure visualité, ou comme le disait André Parente parlant d'un « cinéma matière (1) », d'un état où « l'oeil n'est plus distinct des choses » : le film s'offre comme une expérience visionnaire dépassant les constructions verbales et rationnelles, qui conditionnent aussi la vision. Cela se manifeste par un rejet du verbal, omniprésent dans le cinéma classique depuis l'avènement du parlant, et même très souvent du sonore (2). Cette aspiration est exprimée dans ce manifeste poétique intitulé « Metaphors on Vision » :
Imaginez un œil qui ne soit plus soumis aux lois artificielles de la perspective, un œil dépourvu des préjugés de la logique compositionnelle, un œil qui ne réponde pas au nom de chaque chose et qui doive connaître chaque objet rencontré dans la vie par une aventure perceptive. Combien de couleurs y-a-t-il dans un champ d'herbe pour le bébé rampant qui ignore le « Vert » ? Combien d'arc-en-ciels peuvent-ils être créés par la lumière pour l'oeil inéduqué ? Imaginez un monde vivant d'objets incompréhensibles et scintillant en une infinie variété de mouvements et d'innombrables gradations de couleur. Imaginez un monde avant « au commencement était le verbe » (3).
Pour voir, pour atteindre à la sensation en tout ce qu'elle a d'inépuisable (Brakhage pourrait faire sienne la maxime de Breton : « On n'en finira jamais avec la sensation (4) »), il faut d'abord se taire. La vision s'accomplit dans le silence d'une image irréductible au langage et à ses divisions. Le langage est ici perçu comme une réduction du sensible, comme l'imposition d'une identité au flux incessant de la matière et de la lumière. Le logos, à la fois raison, parole et être, est destitué de son pouvoir par une perception absolument singulière.
Cependant, malgré cette recherche du pré-verbal, le cinéma de Brakhage a parfois recours à un sous-texte métaphorisé par le film. Ainsi, outre la prégnance paratextuelle des mythes, religions ou philosophies (pensons aux films intitulés Blue Moses (1962), Salome (1980), Visions in Meditation #3: Plato's Cave (1990), Yggdrasill : Whose Roots are Stars in the Human Mind (1997)), un certain nombre de ses oeuvres empruntent à la littérature : The Dante Quartet (1987), Faustfilm (1987-89), Visions in Meditation #4: D. H. Lawrence (1990) - le titre de la série Vision in Meditation faisant lui-même référence aux Stanzas in Meditation de Gertrude Stein - Three Homerics (1993), First Hymn to the Night — Novalis (1994), et Dark Night of the Soul (2002) qui se réfère à Jean de la Croix.
Dans ces textes, qui peuvent être narratifs, ce n'est pas le récit (ou la légende) qui intéresse Brakhage, mais le mythe, ce n'est pas la lettre mais l'esprit, ou plutôt le sens dans la polysémie de ce terme : l'impression qu'ils produisent sur la sensibilité ou à laquelle ils correspondent (5), et que le cinéma est à même de rendre par ses moyens propres, en somme leur résonnance poétique. Les textes choisis ont une aura mythique, qu'il s'agisse des épopées homériques, de la Divine comédie ou de Faust (« la légende essentielle de l'homme occidental (6) ») : leur statut dans la culture occidentale a quelque chose du myhte, de la référence incontournable et fondatrice. Un de ses films s'appelle d'ailleurs Eye Myth (1967), sorte de quintessence de son cinéma résumé en treize secondes. Le myhte est donc visuel, il fait appel à la vision. Il est une sorte de vision primordiale, un âge d'or de la perception. Il s'agit d'un universel, mais qui sera transmis par une forme en accord avec la singularité de la perception pré-verbale. Ainsi la singularité du sensible n'exclut pas le recours à la littérature, même elle s'en nourrit. La référence au texte se fait dans une vision sans référence, une vision non-mimétique - ou plutôt comme nous le verrons une vision auto-référentielle, une vision de la vision.
Mais avant d'en venir à la question de la référence directe aux œuvres littéraire, ou plutôt à ce que l'on pourrait appeler une transposition abstraite de ces œuvres, attardons-nous sur l'influence générale de la littérature sur son cinéma. Nous verrons que la littérature a joué un rôle considérable dans la singularisation, la spécification (7), de sa démarche artistique : l'expérience qu'il a pu faire de la poésie (qui est tout comme le cinéma art du mouvement, mais art du mouvement signifié, du « move meant »), aussi bien comme lecteur que comme poète, a transformé sa pratique du cinéma. Ce fut comme un apprentissage de la vision, qui lui permit de :
deviner et définir la différence entre la vision que les mots frottés de feu peuvent déclencher et celle qui doit être allumée par les images mouvantes. J'ai immédiatement abandonné l'écriture de scénario en tant qu'embarras littéraire, dansant dorénavant de façon plus directe avec mes visions dans l'acte de créer une œuvre d'art cinématographique, moi-même comme médium (et pour autant mon médium aussi) devenant de moins en moins « amotionellement » influencé et de plus en plus émotionnellement inspiré par les œuvres de tous les autres arts (8).
Pour illustrer cette inspiration, en ce qu'elle a de plus propre au cinéma, prenons l'exemple de son « poème de mort (9)», Sirius Remembered (1958), dans lequel Brakhage filme les étapes de la décomposition du cadavre de son chien Sirius. Brakhage parle tout d'abord de la réalisation de ce film comme d'un processus profondément viscéral, l'expression d'un besoin physique :
A ce moment, j'étais confronté à la décomposition d'une chose morte et à la décomposition des souvenirs d'un être aimé qui était mort et cela minait toute conception abstraite de la mort. La forme du film est probablement née du même besoin physique qui fait que les animaux dansent et hurlent en ryhtme autour d'un cadavre. Je prenais le chant comme source d'inspiration de la structure rythmique, tout comme la danse des chiens, leurs sautillements autour d'un cadavre, leurs hurlements en structures rythmiques ou en intervalles rythmiques peuvent être considérés comme la naissance d'une sorte de chant (10).
Cependant, ce besoin direct, chevillé au corps et à l'instinct animal, est aussi envisagé par l'auteur à travers un prisme littéraire. Par le biais de la littérature, il retrouve la singularité dans ces choses générales que sont les mots. Dans les entretiens qu'il a mené avec Paul Adams Sitney en 1963, c'est une des grandes figures des lettres américaines modernes qui apparait comme une influence décisive sur sa conception visuelle du film, et notamment sur sa pratique du montage (11) :
- Quelle était alors ta perception de Gertrude Stein ?
- Je dirais que la plus grande influence qu'elle a eue sur Sirius Remembered a tenu à ma découverte du fait qu'il n'y a pas de répétition ; que chaque fois qu'un mot est « répété » il s'agit d'un mot nouveau en vertu du mot qui le précède ou qui le suit, etc. Cela m'a donné la liberté de « répéter » le même genre de mouvements. Je pouvais donc littéralement parcourir l'animal en suivant des motifs répétés. Le film est composé de trois parties : il y a d'abord l'animal vu à l'automne peu après sa mort, ensuite les plans d'hiver où il devient une statue couverte de neige, et troisièmement il y a le dégel et la pourriture. Cette troisième section est entièrement RE-membrée [Brakhage joue ici sur le mot anglais « remembered »], ses membres sont à nouveau réassemblés. Toutes les périodes précédentes de son existence en tant que cadavre, à l'automne, sous la neige, et le dégel sont rejouées, récapitulées et corrélées. Gertrude Stein m'a donné le courage de laisser les images reparaître de cette manière et de telle sorte qu'il n'y avait pas d'impression de répétition. (12)
La transposition du littéraire au filmique est plus directe encore dans son film peint et gratté sur pellicule, Novalis, First Hymn to the Night (1994) : il s'agit ici d'un film complètement abstrait, non photographique (l'on dit souvent « film sans caméra »), où des fragments du premier chapitre du poème de Novalis grattés sur l'émulsion apparaissent en alternance avec les parties peintes. Voici les mots que l'on déchiffre plus ou moins facilement à l'image :
the universally/gladdening light//as inmost soul// it is breathed//by stars//by stone//by suckling plant//multiform beast//and by/(you)//I turn//aside//to holy night//I seek/to blend/with ashes//night spends//infinite eyes//in us//blessed love (13)
Nous transcrivons ici le premier hymne de Novalis dans la traduction de George MacDonald (bien que Brakhage emploie une traduction distincte, celle de Charles E. Passage publiée en 1960, que nous n'avons pas pu consulter – il est cependant aisé d'identifier les passages cités malgré la différence des termes employés), en mettant en gras les passages cités dans le film :
Before all the wondrous shows of the widespread space around him, what living, sentient thing loves not the all-joyous light, with its colors, its rays and undulations, its gentle omnipresence in the form of the wakening Day? The giant-world of the unresting constellations inhales it as the innermost soul of life, and floats dancing in its azure flood; the sparkling, ever-tranquil stone, the thoughtful, imbibing plant, and the wild, burning multiform beast inhales it; but more than all, the lordly stranger with the sense-filled eyes, the swaying walk, and the sweetly closed, melodious lips. Like a king over earthly nature, it rouses every force to countless transformations, binds and unbinds innumerable alliances, hangs its heavenly form around every earthly substance. Its presence alone reveals the marvelous splendor of the kingdoms of the world.
Aside I turn to the holy, unspeakable, mysterious Night. Afar lies the world, sunk in a deep grave; waste and lonely is its place. In the chords of the bosom blows a deep sadness. I am ready to sink away in drops of dew, and mingle with the ashes.-- The distances of memory, the wishes of youth, the dreams of childhood, the brief joys and vain hopes of a whole long life, arise in gray garments, like an evening vapor after the sunset. In other regions the light has pitched its joyous tents. What if it should never return to its children, who wait for it with the faith of innocence?
What springs up all at once so sweetly boding in my heart, and stills the soft air of sadness? Dost thou also take a pleasure in us, dark Night? What holdest thou under thy mantle, that with hidden power affects my soul? Precious balm drips from thy hand out of its bundle of poppies. Thou upliftest the heavy-laden wings of the soul. Darkly and inexpressibly are we moved: joy-startled, I see a grave face that, tender and worshipful, inclines toward me, and, amid manifold entangled locks, reveals the youthful loveliness of the Mother. How poor and childish a thing seems to me now the Light! how joyous and welcome the departure of the day!-- Didst thou not only therefore, because the Night turns away from thee thy servants, you now strew in the gulfs of space those flashing globes, to proclaim, in seasons of thy absence, thy omnipotence, and thy return?
More heavenly than those glittering stars we hold the eternal eyes which the Night hath opened within us. Farther they see than the palest of those countless hosts. Needing no aid from the light, they penetrate the depths of a loving soul that fills a loftier region with bliss ineffable. Glory to the queen of the world, to the great prophet of the holier worlds, to the guardian of blissful love! she sends thee to me, thou tenderly beloved, the gracious sun of the Night. Now am I awake, for now am I thine and mine. Thou hast made me know the Night, and brought her to me to be my life; thou hast made of me a man. Consume my body with the ardour of my soul, that I, turned to finer air, may mingle more closely with thee, and then our bridal night endure for ever.
L'on observe tout d'abord que le texte du film est considérablement réduit par rapport à l'original, il s'agît d'une lecture qui condense radicalement le poème et semble vouloir aller à son essence. L'on peut dire aussi qu'il y a toujours une transfomation dans le passage d'un texte à l'image, et que même les adaptations les plus fidèles ne vont pas sans transpositions, pertes ou ajouts. C'est le propre du film comme lecture du texte, lecture qui ne peut être littérale à moins de filmer le texte lui-même dans sa dimension physique de support imprimé.
Cependant, il s'agit bien de rendre le texte visible, mais sous une forme plus métaphorique, comme métaphore de la vision pour paraphraser le titre de cet essai dans lequel Brakhage livre les principes de son art. Ici, c'est comme si par la nature fragmentaire de le retranscription, les manques du texte étaient suppléés par l'image. Les trous du texte sont remplis par l'image, par la saturation visuelle. Mais aussi ce déluge de couleur entre les mots renvoie métaphoriquement à ces mêmes mots : cette matière picturale en mouvement représente la lumière réjouissante, l'âme la plus intime, le souffle des étoiles, de la pierre, des plantes et des bêtes multiformes, l'unité du vivant en somme ainsi que la fusion avec les cendres, et ce « toi » entre parenthèses, altérité appelée que Brakhage rajoute au texte d'origine. Dans la mesure où texte et images sont juxtaposés, l'on ne peut s'empêcher de lier les deux, de voir l'un comme image de l'autre.
Ainsi les mots sont remplacés par des images excessives : mais peut-on encore parler d'images ? En effet cela ne représente rien, rien que l'on puisse réellement identifier hors du régime métaphorique que nous avons proposé ci-dessus. C'est un flux visuel coulant à toute vitesse et qui ne renvoie à rien, ce sont des couleurs en mouvement perpétuel et qui excèdent toute forme, car la forme serait l'analogue de la limitation verbale à laquelle nous avons vu que Brakhage voulait échapper. Et la clé du complexe verbo-visuel du film c'est que ce visible qui n'est plus lisibile est juxtaposé à du lisible qui n'est plus que visible : loin du statut habituellement immobile de l'écrit au cinéma (celui des crédits , titres ou intertitres – et même lorsqu'ils sont en mouvement, ce ne sont pas les caractères eux-mêmes qui sont mobiles, animés), ces mots ont été produits d'une manière analogue aux images, ils ont été grattés photogramme par photogramme à même l'émulsion. C'est une écriture instable que l'on peine parfois à déchiffrer, une graphie du mouvement. L'apparente division entre éléments textuels et visuels qui est le parti-pris formel du film (car les mots eûssent aussi bien pu être inscrits sur ou dans ces images) ne fait au final que mettre en évidence leur perméabilité, leur interchangeabilité : ils valent avant tout comme trace et mouvement. L'écriture retrouve sa dimension corporelle : le texte est ici véritablement inscription au même titre que l'image et non plus simplement écrit.
Finalement cette fusion est aussi la fusion nocturne dont parle l'hymne de Novalis, et qui scelle une union de l'homme à la nature et au surnaturel. Il ne s'agit donc pas de voir la nuit (c'est ce qu'aurait fait un cinéaste quelconque en illustrant le texte par des vues nocturnes), mais de la nuit comme voir, d'un expérience limite de vision, entre le verbal et le visuel. Finalement « the gracious sun of the Night » (terme qui n'est pas dans le film, mais qui est le film) serait le langage désormais indissociable de l'image. C'est bien l'expérience du poème, la vision de la nuit : voir les mots, voir dans les mots, à travers les mots. Les mots sont cette nuit qui fait voir (14). Le poème de Novalis est donc employé par Brakhage comme une métaphore de la vision, de cette vision des yeux clos (« close eyed vision »), qui est une notion centrale pour comprendre son cinéma dans son rapport au corps et plus particulièrement sa pratique de la peinture sur pellicule :
J'ai commencé à peindre sur la pellicule en premier lieu pour créer un corollaire de ce que je pouvais voir avec les yeux de ma vision-aux-yeux-clos ou vision hypnagogique parce qu'il était impossible de mettre la caméra dans ma tête et de créer un équivalent photographique de ces formes s'écoulant à travers mes yeux clos.... J'ai essayé toutes sortes de choses – gratter la pellicule, même la cuire – mais la peinture mélangée aux produits chimiques créait certaines formes intrinsèques aux cellules organiques de la vision elle-même (15).
Cette vision aux yeux clos n'est pas une non-vision, elle est plutôt une vision de la vision, dans son organicité constitutive : « Vous vous voyez voir. Vous voyez votre propre mécanisme de vision en train de s'exprimer. Vous voyez ce que l'esprit transmet aux terminaisons des nerfs optiques et qui les font étinceller et prendre forme de cette manière (16) ». A propos de Dante Quartet (1987), Brakhage affirmera en effet qu'il s'agît d'un « film qui reflète l'impression d'être fondamentale [basic sense of being] du système nerveux (17) ». Il est à noter que cette adaptation abstraite de La Divine Comédie, qui emploie les mêmes techniques que Novalis, est encore une fois une abstraction très concrète, autobiographique pourrions-nous dire. C'est en tout cas la transposition d'un vécu, puisqu'il a réalisé la partie correspondant à l'Enfer, « Hell Itself », dans laquelle il transcrit l'impression d'être en enfer mais aussi de sortir de l'enfer, pendant sa séparation avec sa femme Jane et l' « effondrement de toute [sa] vie ». Ainsi dit-il avoir voulu « remettre les pieds sur terre [bring down to earth] à la vision de Dante, en s'inspirant de ce qu'on a au bout du nez et sous les yeux ». Ce n'est donc pas simplement le texte qui est l'objet de l'adaptation et de la transposition filmique, mais la vie qu'il manifeste et avec laquelle il résonne, et le corps dans lequel il trouve son premier lieu de projection.
(1) André Parente, Cinéma et narrativité, p .122. Parente distingue au sein du cinéma expérimental trois tendances : le « cinéma matière », le « cinéma subjectif » et le « cinéma du corps ». Pour lui, seul le cinéma matière relève véritablement d'un fonctionnement distinct du cinéma narratif : « dans le « cinéma-matière », l'oeil n'est point distinct des choses et le monde est une matière chaude d'avant les hommes. Pour qu'il y ait histoire et narration, il faut qu'il y ait des images privilégiées, c'est-à-dire des centres sensori-moteurs (intervalle de mouvement, centre d'indétermination , cerveau, organisme vivant, homme...). S'il n'y a pas d'intervalle de mouvement, on ne peut pas passer d'une image à une autre, que ce soit pour les différencier ou les intégrer. Quant aux autres tendances du cinéma expérimental, elles ne se distinguent des autres cinémas que par rapport à des distinctions qui sont extérieures aux processus filmiques ». Hormis Stan Brakhage, sont aussi représentatifs de cette tendance selon l'auteur Len Lye, Robert Breer, Peter Kubelka, Jordan Belson, Tony Conrad, Paul Sharits, Ernie Gehr, Ken Jacobs et Georg Landow.
(2) Bon nombre de ses films sont entièrement dépourvus de bande-son : parmi les quelque trois-cent films qu'il a réalisés, seulement une trentaine sont sonores, notamment les films de début de carrière, dans la première moitié des années cinquante, mais aussi quelques œuvres postérieures qu'il sonorise lui-même : Fire of Waters en 1965 ou Scenes from Under Childhood (Section One) en 1967 ; et d'autres telles que Fireloop (1986), I... Dreaming (1988) ou Boulder Blues and Pearls and... (1993) pour lesquelles il fait appel à des musiciens, Joel Heartling et Rick Corrigan notamment. Par ailleurs Blue Moses (1962), The Stars are Beautiful (1974) et les quatre parties de Faust (1987-89) figurent parmi les rares films parlants de l'auteur.
(3) Stan Brakhage, « Metaphors on vision », Metaphors on vision, p. 31.
(4) André Breton, L'amour fou, p. 121.
(5) Dans la notice du film pour le catalogue de la Film-makers Cooperative (http://film-makerscoop.com/rentals-sales/search-results?fmc_author=90 ), Brakhage parlera de « formes et couleurs émotionnellement référentielles » à propos de Hymn to the Night. Cependant, c'est aussi un rapport approfondi au texte : sinon une étude, du moins une imprégnation : à propos de The Dante Quartet, Brakhage parle de trente années de lectures de toutes les traductions anglaises de la Divine Comédie, et de ses tentatives pour apprendre l'italien : Suranjan Ganguly, « Stan Brakhage : The 60th Birthday Interview », dans Wheeler W. Dixon et Gwendolyn Audrey Foster (dir.), Experimental Cinema: The Film Reader,, p. 148.
(6) Ibid., p. 150.
(7) Outre le fait de rendre spécifique, le terme spécification aurait pour sens, dans le domaine juridique, la « création d'une chose nouvelle avec une matière appartenant à autrui » : c'est bien là la nature du rapport qu'entretient le cinéma avec la littérature !
(8) « Move Meant », Metaphors on Vision, p. 42.
(9) Metaphors on Vision, p. 15.
(10) Ibid., p. 16
(11) Un autre film de Stan Brakhage, réalisé à cette même époque a lui aussi été comparé au style poétique de Gertrude Stein, par Sitney et à sa suite par Bruce Elder : dans Anticipation of the Night (1959) « la répétition avec augmentation rappelle l'écriture de Gertrude Stein », R. Bruce Elder, The Films of Stan Brakhage in the American Tradition of Ezra Pound, Gertrude Stein, and Charles Olson, p. 419.
(12) Metaphors on vision, p. 16.
(13) Nous transcrivons ainsi le découpage du texte dans le film : la délimitation des unités textuelles par des barres représente les fragments successifs qui apparaissent à l'écran. Une barre signifie que les unités textuelles se suivent, deux qu'elles sont entrecoupés de passages visuels.
(14) Un poème de Pierre Jean Jouve, autre poète mystique, débute ainsi : « La musique est plus rare encore que l'amour / Et que, peinture, vos puissances dévorant pleines de chair / Muette, et que, soleil des mots, vos rayons toujours noirs », « Tombeau de Berg, III », Diadème.
(15) Suranjan Ganguly, « Stan Brakhage : The 60th Birday Interview », Experimental Cinema: The Film Reader, Wheeler W. Dixon,Gwendolyn Audrey Foster, p. 147.
(16) Stan Brakhage, conférence au Hampshire College, été 1972, cassette audio no. 23, Media Study, Inc., Buffalo, N.Y. , cité par William C. Wees, Light Moving in Time: Studies in the Visual Aesthetics of Avant-Garde Film. Berkeley: University of California Press, 1992, p. 93.
(17) Ganguly p. 149