Une barre de néon s'allume brusquement : ligne de rupture et source de polarisation de l'obscurité qui règne sur le plateau. Sa lumière blafarde s'accompagne d'un appel tout en échos et résonances qui semble remonter par cette faille des tréfonds de la mémoire atavique. Une étonnante diva rose, lascive et aguicheuse, est à l'origine de cette fracassante entrée en matière.
Le ciel est gris et bas ce jour de décembre. Des goutes d'eau commencent à tomber, éparses, avant que la pluie n'arrive, glaciale. Le corps raidi contre les bourrasques de vent, serré dans un manteau d'hiver, ce n'est pas vraiment un temps idéal pour aller à la découverte d'un quartier, encore moins de ses danses invisibles. Une station de tram, un supermarché, une boucherie hallal, une enseigne affichant Soins à domicile, des immeubles anonymes construits à la va vite, une voiture garée parmi d'autres. Sous la pluie qui tombe résolument, cette voiture, où l'on est invitée à s'installer, apparait comme un refuge, habitacle empreint d'une certaine intimité, du moins spatiale, propice aux rencontres furtives et au commerce symbolique qui donne le cadre de la performance de Pierre Benjamin Nantel et Marylise Navarro.
Force est de constater cette manière extrêmement jouissive d'utiliser le plateau de danse qu'Anne Lise Le Gac a fait sienne depuis GRAND MAL. Espace de recherche et de transformation, foncièrement mouvant, propice aux frictions en tous genres entre des matières textuelles, sonores et plastiques, où la danse fait irruption et pointe des questions vitales. Territoire aux règles du jeu sans cesse redéfinies, où les éléments fertiles coexistent à l'état d'outils, de matières et de fantasmes et où le travail s'opère dans la fissure.
C'est un exercice périlleux, un exercice qui contient dans son énonciation même ses conditions d'impossibilité. La tentative d'Ondine Cloez n'en est que plus salutaire, avançant par petites touches, avec douceur et espièglerie, avec en ligne de mire ce devenir d'une danse de l'absence. Quitter son corps, être en avant ou un peu à côté de lui, tout en tenant, seule, le plateau du Théâtre du Gymnase.
En 2001, Frédéric Danos commence un documentaire qui n'aboutit pas. Plusieurs pistes sont explorées, qui oscillent entre le documentaire social et le film intimiste, des séquences sont tournées, mais aucune de ces tentatives ne donne lieu à un film à proprement parler. En 2009, Frédéric Danos entreprend de rassembler toutes ces séquences et de les articuler les unes aux autres en racontant les raisons de ces tentatives avortées. Le film qui n'avait pas abouti vient de trouver sa forme : J'ai mis 9 ans à ne pas terminer mêle aux séquences filmées une parole vivante, qui en révèle la part secrète, les défaillances et en énonce l'inachèvement.
Pour comprendre les travaux de Vincent Ciciliato, il importe d’avoir à l’esprit son double enracinement géographique, entre la Sicile où il a passé une partie de sa jeunesse et la Picardie où il a fait ses études. Pour exprimer synthétiquement les accents de sa pratique, on pourrait dire que sa boite noire est picarde et que son imaginaire est sicilien. Cette double appartenance se retrouve dans les espaces qu’il met en scène ou les références qui traversent son œuvre.
La Chambre d'écho résonne de voix parfois un brin crâneuses, parfois mal assurées, toutes empreintes de cette curiosité suscitée au contact des œuvres de Jérôme Souillot. Placées en contre-bas du groupe de lycéens assis en tailleur qui les discutent ardemment, les petits formats acryliques sur papier dessinent une ronde, esquissent une clairière enchantée propice aux rêves éveillés, aux débrayages du régime réel et aux projections imaginaires.
Les pièces de Fred Périé ont ceci de commun avec l’image médiévale que la figure y est conçue comme un miroir vivant qui ne renvoie pas uniquement à lui-même, mais aussi à un tout autre, en l’occurrence, s’agissant du Moyen âge, à Dieu. La question de la réflexivité induit immédiatement l’idée que s’il y a représentation, c’est qu’un être peut tenir lieu pour autre chose que ce qu’il exprime immédiatement.
A bras le corps initie un dossier consacré à la pédagogie en danse contemporaine. Un premier focus est réalisé au sein d’Exerce (ICI / CCN de Montpellier) à la suite des Publications – présentation de travaux de fin d’études de la promotion 2016-2018. Nous souhaitions avant tout rencontrer Eve Chariatte et Laura Kirshenbaum. C’est autant la qualité de leurs propositions respectives qui nous a interpellé que le fait remarquable, au sein de cette promotion, de s'être confrontées au défi des créations de groupe.
Cette séance prend la suite d’un dialogue entre Marc Hurtado et Vincent Deville, initié en octobre 2017 à l’Université Paul Valery Montpellier, dans le cadre d’une journée d’étude consacrée à la question des « Matérialismes esthétiques ». L’idée est de poursuivre l’échange sur la question de la matérialité des images, en incluant le rapport à la machine que celle-ci suppose. Bien qu’elles soient très différentes l’une de l’autre, les pratiques de Marc Hurtado et de Jacques Perconte posent un même rapport à la nature et à une forme de mysticisme qui se signale notamment à travers un intérêt marqué pour des notions alchimiques, où les questions de la matière et de la technique sont centrales.