A l'origine d'Enfants, poussière, il y avait, pour Frédérique Devillez, le désir de travailler sur la mémoire, ses rituels, notamment celui qui consiste à refaire toujours les mêmes récits et à l'oublier aussitôt. Il s’agissait d’élaborer un dispositif au sein duquel ses enfants discuteraient avec Edith, la cousine de sa mère atteinte de la maladie d'Alzheimer. La matière d'Enfants, poussière provient ainsi de repérages effectués pour un autre projet, au cours desquels ont été glanées des images qui devaient donner lieu, peut-être, à un film futur.
HO comme H2O l’eau, HO comme le début d’Homme, HO comme Hospitalisé d’office. On fait tous des cauchemars. On est tous Michel, Jérôme, Côme, Georges et Agnès, Blaise, des anges, des passants. On est tous morts. A l’ombre. De l’autre côté. Je demande que quelques unes de mes paroles soient retranscrites en langage clair, dit l’un. Je demande qu’on repasse le film de ma vie, rien d’ennuyeux, rien de trop long, dit l’autre. C’est un corps presque toujours en disparition. Un corps d’ange.
Michel ou 9 jours dans la vie d’un ho s’inscrit dans une histoire qui s’est ouverte il y a 25 ans, à l’hospice départemental de Mâcon, où Blaise, jeune garçon de 16 ans venu là pour un petit boulot estival, a rencontré Michel et plusieurs autres pensionnaires. Dès cette époque, il était évident pour lui qu’il était possible et nécessaire, dans ce contexte particulièrement dur, de saisir chez les patients qu’il fréquentait des bribes d’humanités auxquels l’institution elle-même ne pouvait être qu'aveugle.
Pièce de Jacques Perconte installée dans l'ancienne Sacristie du Collège des Bernardins, Mistral est incroyablement bien reçu par des publics croisés, pour la plupart non initiés, non préparés à recevoir des propositions comme celles-ci, et dont on attendrait qu'ils expriment les a priori coutumiers sur l'art contemporain comme espace d'expression qui nécessiterait une explication préalable, plus ou moins technique, pour être compris. Ce que l'on constate au contraire avec cette oeuvre, c'est que quelque chose se perçoit d'emblée de sa simplicité, de son déroulement lent et patient, qui engage une dimension de méditation particulière.
Le cinéma est toujours une histoire de fantômes. La mort est son idée préalable. Les films, ce sont des morts que l'on ressuscite. C'est une chose importante, dans laquelle s'enracine le travail que Jean-Claude Taki peut mettre en oeuvre avec les archives. Si l'archive peut être une volonté de capter le commencement d'un évènement ou d'un être, cette naissance peut avoir lieu aujourd'hui, dans l'ici et maintenant de la projection. Dans cette mesure, Ina movible cherche à brasser un fragment d'humanité, traversé par des joies et des peines qui sont aussi les nôtres, et qui ont éprouvé nos yeux qui regardent les formes en mouvement sur l'écran.
X+ est un film de commande, demandé à Marylène Negro par Nicole Brenez, à l'occasion de l'inauguration du BAL. Le projet devait s'inscrire dans le cadre d'une exposition autour du thème Anonymes, USA, et c'est Nicole Brenez qui en a fourni le matériau, en proposant de mettre en œuvre un projet à partir de 10 films témoignant des années 60 à 70 aux Etats Unis. X+ a été réalisé selon un dispositif de montage permettant à la fois de travailler la totalité des films dans leur épaisseur et de rentrer dans la singularité de chacun d'entre eux. Dans ce film, comme dans plusieurs autres qui suivront, c'est le montage qui est le moment de réalisation proprement dit.
Une fois n'est pas coutume, cette cinquième séance du séminaire Cinéma / Parole s'est écartée de la création contemporaine pour porter son attention à une signature des plus importantes du cinéma mondial. Une manière de rappeler que les formes circulent dans le temps et dans l'espace, et que ce que nous pouvons faire doit considérablement à ce que nous avons reçu.
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Prologue de Béla Tarr est un film de 5 minutes, réalisé en 2004, suite à une commande faite par Arte auprès de plusieurs cinéastes sur le thème Visions of Europe. C'est un film dont l'expérience de la première fois est toujours singulière, et qui ne pourra jamais être rejouée. Le dispositif du film fait que, dans la première vision que nous pouvons en avoir, quelque chose se passe qui n'aura plus jamais lieu. Prologue repose pourtant moins sur la surprise que sur la tension, dans la mesure où il s'agit purement et simplement d'une vision, la vision d'un peuple exposé. L'acte de Béla Tarr dans Prologue est de montrer que le discours vient toujours après, dans un second temps, et ne peut que se tenir dans un écart par rapport au film.
Film aux accents polonais, Quel jugement devrais-je craindre ? propose la mise en scène, par le prisme d'un affrontement entre deux personnes, d'une épreuve qui ne prend jamais fin. L'idée de cette troisième partie, qui s'appelle "Le capital", est de faire croire que les actes qui nous sont donnés à voir — faire montre d'une cordialité convenue tout en poignardant son semblable — ont une raison. "Je l'ai fait parce que". 42 raisons sont évoquées pour justifier les coups de couteau dans le dos que nous nous assénons les uns aux autres.
Quel jugement devrais-je craindre ? nous invite à nous arrêter sur trois évènements où une situation de violence est mise en relation avec un moment d’échec de la communication. Un couple s'échange une phrase assez violente, où l'un dit à l'autre : « tu peux te tirer une balle dans la tête » ; un homme essaie de rentrer sans raison apparente dans l’appartement d’un autre, ce qui est l'occasion d'une bastonnade interminable ; deux femmes se retrouvent dans un intérieur bourgeois et se poignardent inlassablement l'une l'autre en se disant bonjour.
Corpus / corpus est le quatrième film de Christophe Loizillon tourné en plans-séquences, après Les mains, Les pieds, Les visages. C'est un film qui a demandé beaucoup de temps pour s’écrire, et qui cherche à comprendre comment nous vivons avec nos corps aujourd'hui.