La Chambre d'écho résonne de voix parfois un brin crâneuses, parfois mal assurées, toutes empreintes de cette curiosité suscitée au contact des œuvres de Jérôme Souillot. Placées en contre-bas du groupe de lycéens assis en tailleur qui les discutent ardemment, les petits formats acryliques sur papier dessinent une ronde, esquissent une clairière enchantée propice aux rêves éveillés, aux débrayages du régime réel et aux projections imaginaires. Les vastes plis des rideaux blancs qui enveloppent, dissimulant et accueillant à la fois des plus grands formats, parachèvent de brouiller l'orthogonalité minimaliste de white box de La Chambre d'écho et y introduisent du mouvement, du suspens, de l'attente, de l'imprévisible. Différents chemins possibles se dessinent, tous attirés inexorablement par le magnétisme des tunnels noirs qui s'ouvrent dans plusieurs paysages stratifiés. Le visiteur arrivé de manière impromptue à une heure quelque peu inhabituelle, au cœur de l'après-midi, ICI, entre les murs d'une institution dédiée à la danse, à sa création, son partage et son enseignement, ne peut que faire sienne la posture qui donne le titre même de l'exposition de Jérôme Souillot, Je reste là. Un saisissement empreint de joie, de délectation et d'espoir dans l'avenir s'empare du visiteur impromptu qui se retrouve écouter les échanges nourris des lycéens au regard des œuvres, la manière dont ils manient et reforgent dans le vif du sujet les éléments critiques au moyen desquels ils approchent et s'approprient un univers et un acte créateur.
Les pièces de Jérôme Souillot encouragent l'approche, le déplacement, autant dans l'espace d'exposition que dans les attentes qu'elles suscitent. Les couleurs vives, la minutie des traits de pinceau créent un puissant contraste avec cette indicible sensation de flottement des buissons au centre des pages blanches. Troubles, insistantes et généreuses dans les marges qu'elles préservent comme autant d'invitations à un partage intime, ces peintures encouragent un regard périphérique, les yeux plissés, favorisent une relation kinesthésique. La parenté est évidente avec des pièces d'une autre série, toujours en cours, La nuit dernière, où l'artiste retient une atmosphère, un endroit, la couleur d'un rêve et s'efforce de les coucher sur papier, d'en faire image. Il n'est guère étonnant que l'enseignante accompagnant cette classe du lycée Jean Monnet entamera une exploration des rêves à la ronde avant d'enclencher les processus imaginatifs à même de faire remonter les danses lovées dans ces tunnels incongrus, creusés dans des paysages sagement stratifiés. Car il n'y a aucun doute que danse il y a, aussi bien dans ces vues de jardins morcelés, abris d'enfances, buissons ardents et refuges solitaires issus de la série Je reste là, que dans la conception d'ensemble de l'espace d'exposition. La Chambre d'écho est pleine et les bruissements d'une végétation magique surprises sur papier, les vrombissements des routes sages et le mugissement silencieux des cataractes qui s'ouvrent sur les toiles, débordent les interstices, remplissent et rendent effectif l'espace fertile que sous-tend la relation entre la danse et les arts plastiques.
À cet égard, il est significatif que le coup d'envoi de cette exposition ait été donné lors de la 9ème édition de Drowing Room, salon du dessin contemporain à Montpellier, par la performance de Jérôme Souillot, Le dessinant, à La Panacée.
La Chambre d'écho, ICI-CCN Montpellier, 14 septembre - 12 décembre 2018.