Tête de chien est un film sur la revenance. C'est aussi l'histoire d'un homme dont la principale activité est de promener un chien et qui devient chien lui-même (c'est-à-dire cynique). Cette permutabilité semble régir tout le récit – les vivants et les morts échangent leurs rôles : c'est le mort qui poursuit le vif pour lui enjoindre de le « laisser partir ».
Le renversement, qui confine au fantastique, est présent dès le départ bien qu'on ne le perçoive pas d'emblée. Le statut de la première séquence est réinterprété a posteriori, à mesure que se dénoue l'intrigue : l'on voit que le personnage avec qui s'entretient le protagoniste (la première figure qui apparaisse dans le film, vue de trois-quart dos, tourné vers une fenêtre) est en fait mort - et alors s'éclaire l'experession un peu mystérieuse qu'il emploie pour désigner le lieu de son départ : « là-haut ». Nino est hanté par le fantôme de son ami, ce qui se traduit non seulement par plusieurs rencontres fantomatiques mais par une caméra qui le poursuit lors de ses déambulations, et qui s'autonomise lors d'une scène qui marque un basculement (pourtant tout temporaire et vite résorbé) de sa condition. Hantise par laquelle il est ancré dans le passé (il reproduit le rituel d'apporter des fleurs au père de son ami toutes les semaines, promène le chien de sa grand-mère tous les deux jours), livré à la revenance, mais en étant simultanément toujours en partance (il se retrouve sans domicile, mais avec une belle voiture – empruntée à un ami pour impressionner une fille), pourtant pris dans une sorte de faux mouvement (on pense à la mélancolie du film de Wenders), de statisme de la poisse quotidienne où les tentatives de rupture (vol, séduction) finissent par se clore sur elles-mêmes, font retour sur elles-mêmes pour s'annuler : la situation devient tautologique. Il demande à la fille qu'il cherche à séduire si elle préfère les filles, ce à quoi il répond « Moi aussi », se fait voler l'argent qu'il a lui-même dérobé après une vendetta bouffonne contre des coupables improvisés, et enfin déclare simplement « Je suis triste » avant de fondre en larmes. Pourtant l'humour subtil et toujours légèrement décalé du film, porté par de belles et sobres interprétations, semble ménager, au sein du deuil, des moments où la perte donne lieu au partage.
Le film sera visible à partir du 16 novembre sur la plate-forme VOD Outbuster : https://www.outbuster.com/coeur-a-vif/tete-de-chien.html