"J'ai raconté des films à mes frères, soeurs, grands et petits, à mes cousins, mes tantes, mes oncles, à des amis, à des inconnus, à des vieillards, à des bébés, à des chiens aussi. J'ai raconté près de deux mille cinq cent films dans ma vie, et sans me fatiguer. Tous les jours de ma vie, entre cinq et seize ans" (Dieudonné Niangouna).
Homme de théâtre, comédien, auteur, metteur en scène, artiste invité de la dernière édition du festival d’Avignon, Dieudonné Niangouna revient, le temps d’une résidence aux Laboratoires d’Aubervilliers, à ses premières amours, le cinéma. Le souvenir des vieilles cassettes VHS est encore vif dans la mémoire de l’artiste originaire de Brazzaville qui, encore enfant, rêvait de devenir maitre de Kung Fu. Il nous le racontera mieux, de son verbe savoureux et effréné, lors de son prochain spectacle, prévu à la mi-juin. Son théâtre de l’urgence deviendra ainsi un lieu essentiel de partage. Partage d’une expérience fondatrice d’amour du cinéma, dans sa dimension la plus accessible. Dieudonné Niangouna s’empare de cette art populaire, et fait voler en éclats les carcans d’une pensée dominante qui pourrait à maintes reprises s’y refléter. Des habitants d’Aubervilliers deviennent acteurs de leur propre film.
Espace de recherche et d'expérimentation ouvert aux pratiques qui traversent plusieurs champs de la création, les Laboratoires d'Aubervilliers ont assuré la coordination logistique et l’accompagnement de l’artiste pendant les trois semaines de tournage.
A six heures du matin, pour être au plus près de l’atmosphère embrumée du Vieil homme et la mer, au pied d’un fourneau en briques rouges, pour réveiller la mémoire ouvrière d’un quartier en pleine mutation, dans une réinterprétation féministe de la fameuse séquence du duel d’Il était une fois dans l’ouest, dans un l’éclat impétueux qui se moque de la mort dans A bout de souffle, le cinéma est venu irriguer le quotidien des riverains des Laboratoires d’Aubervilliers qui se sont pris au jeu de Dieudonné Niangouna et se sont réapproprié des scènes cultes du patrimoine cinématographique. Histoires intimes, avec leurs rêves et projections, histoires d’une ville et de ses bouleversements, histoire culturelle enfin et ses lectures ouvertes, viennent s’entretisser de manière singulière dans ce projet.
Le metteur en scène se plait à nous rappeler que l’on devient maitre de Kung Fu à partir du moment où, après des années et des années d’apprentissage, on commence à développer son propre style. Gageons qu’il est déjà maitre dans l’art non moins puissant, et à fort potentiel explosif, de décloisonner l’imaginaire, ce dont nous pourrons prendre la mesure dès le mois de juin aux Laboratoires d’Aubervilliers.