Entre autonomie et autorité, le « libre arbitre » n’est-il qu’illusion ? À travers une prise d’élan ininterrompu, Katerina Andreou invente un corps en état d’alerte, dans un solo qui se développe comme un terrain de jeu, où les règles s’inventent pour être manipulées, en écho à une danse « libre ». Un corps en autogestion, autonome, qui développe son propre sens de l’espace et du temps, et qui sait goûter ce que lui apporte le présent, sans nostalgie ni idéalisation. Katerina Andreou qui a présenté une étape de la création A KIND OF FIERCE lors du festival JUNE EVENTS, vient de recevoir le Prix Jardin d’Europe 2016 au festival Impulstanz pour cette pièce.
Une des figures les plus magnétiques et novatrices du cinéma aujourd’hui, Apichatpong Weerasethakul, s’aventure pour la première fois au théâtre, avec une «performance-projection» librement inspirée de son dernier film Cemetery of Splendour. Jenjira, l’actrice fétiche du cinéaste, y incarne Jen, une femme au foyer qui doit subir une opération chirurgicale. À l’hôpital, ses rêves se mêlent à ceux de Itt, un soldat en sommeil qui vient d’un pays dépourvu de lumière. Ailleurs, un groupe de jeunes gens s’aventure sur le fleuve Mékong. D’autres explorent une grotte comme l’habitat possible d’un futur incertain…
Il était sept taupes qui, alors qu’elles creusaient leurs galeries, ont débarqué dans une cage de scène. Sept taupes qui, soudain, vivent, mangent, dorment, meurent, travaillent, donnent naissance, copulent, s’amusent et s’improvisent groupe de rock sous les yeux des spectateurs. Sept taupes qui vivent ensemble – une utopie pour cet animal réputé farouchement solitaire ! La Nuit des taupes invite ses spectateurs à s’engouffrer dans un monde parallèle, un monde sans paroles et sans humains, qui se conquiert à coups de griffes et de pioche, un monde électrique traversé par une musique underground, celle qui se répète dans les caves et les sous-sols.
Dans un espace donné cinq danseurs en sous-vêtements sont situés à proximité les uns des autres. Ils produisent en continu un filet de salive qui s’écoule sur une partie du corps d’un partenaire. Lentement le groupe évolue dans l’espace, modifiant le rapport des positions individuelles. Cette action est menée pendant plusieurs heures. Création à la Biennale d’art contemporain de Lyon, France (2007)
Modes d’emploi déglingués, défilés de mode exubérants, installations précaires, manifestes éphémères : tous ces ingrédients sont mélangés, touillés, détournés pour former un bric-à-brac minutieusement composé, qui utilise la nudité comme arme et scrute l’image du corps sous toutes ses coutures. Après avoir créé la version anthologie Panoramix en 2003, Distinguished Hits (1991-2000) constitue une compilation des plus célèbres pièces dans une nouvelle reconfiguration resserrée : un feuilleté permettant de scruter chaque pièce comme un haïku autonome, tout en les replaçant sur le canevas de ce vaste patchwork performatif.
Michaël d’Auzon, chorégraphe, dit adieu à son métier. Premier témoin de la décision de son compagnon au moment du film, la réalisatrice entreprend une reconstitution de son parcours artistique et émotionnel. Au fil des interviews, elle fouille dans la mémoire du vécu et dresse une archéologie du processus de création du danseur dont l’ultime étape est la décorporation.
A vingt ans d’intervalle, deux cinéastes écoutent ce qui se dit des choses de la vie, de la révolution, et du voile. L’un (Yousry Nasrallah) en Egypte en 1995, l’autre (Franssou Prenant) en Algérie en 2015.
Dans les années 1960, le nouveau cinéma japonais se fait le chantre de la contestation du modèle américain. En 1964, sur commande du producteur de Chicago Marv Gold, le critique et vidéaste Kenji Kanesaka porte, avec son film Super Up, un regard féroce sur la société américaine: ségrégation, racisme, consumérisme de masse et hyper sexualisation, sur fond de violences policières. En 1966, le réalisateur Masanori Ōe part à New York. Il est alors l’un des premiers à documenter les mouvements pacifistes et hippies notamment avec Head Game où la caméra plane au-dessus de la foule du festival BE-IN dans Central Park. Dans No Game, il filme la manifestation devant le Pentagone à l’occasion de l’International Anti-War Day. De retour au Japon, il fonde, avec le critique et vidéaste Kenji Kanesaka et Takuma Nakahira (membre de Provoke), le groupe Newsreel Japan dans le sillage du Newsreel de Jonas Mekas.
En parallèle de l’exposition qui leur est consacrée à la Galerie Arnaud Lefebvre à Paris, Light Cone propose une projection des films de Bill Brand et Katy Martin, dont les travaux respectifs partagent des thématiques communes et entretiennent un dialogue constant depuis des années.
Avec une sensibilité infra-mince pour les seuils de perception, Marylène Negro interroge souvent dans son travail cinématographique et vidéo les conditions d’émergence des figures. On trouve chez elle des superpositions très picturales d’images, allant du clair jusqu’à l’obscur (Moss), ou ce lent zoom arrière qui dévoile dans un paysage de brume un personnage de dos, immobile, digne d’une toile de Caspar David Friedrich, s’effaçant peu à peu après être apparu (Highlands). Mais encore ces routes qui se déplient sous nos yeux (Seeland) dans une sorte de fonduenchaîné méticuleux, accompagné par une chanson d’Elvis Presley, qui disparaît et revient par intermittences. Le monde ne serait-il pour Marylène Negro qu’une lente pulsation d’images, un ressac de fantômes à la lisière du visible et de l’invisible, du son et du silence ?