19h / 50 min.
Les sylphides sont des créatures mythiques, symboles de beauté, intercesseuses entre les vivants et les morts, dont l’aspect diaphane a exercé une véritable fascination sur l’imaginaire littéraire et chorégraphique – et donné lieu à plusieurs ballets, dont celui de Michel Fokine dansé par Vaslav Nijinsky. Cette source sert tout autant à habiller les corps qu’à creuser un écart radical avec son référent classique. En effet, comme Pâquerette, Sylphides est avant tout une chorégraphie de la possibilité du mouvement – de sa révélation, de son avènement. Une chorégraphie où le mouvement n’est pas un « étant donné » mais le résultat d’un trajet, d’une « expérience-limite » d’où émerge un nouvel organisme, de nouvelles possibilités de l’habiter et de le faire bouger.
La puissance métaphorique de cette pièce tient sans doute aux paradoxes qu’elle adresse à l’idée même de danse : mis sous vide dans des sacs en latex noir, où leurs possibilités de bouger et de respirer sont réduites au minimum vital, les interprètes offrent au regard des corps vulnérables, léthargiques ; seul reste visible le rythme des respirations qui modèle le latex comme une seconde peau. Pures images sculpturales, vanités vitrifiées dans une sorte d’éternité fictive, ils deviennent la surface de projection d’une iconographie multiple : masque mortuaire, momies futuristes rappelant des navigateurs interstellaires tout autant qu’une étrange cérémonie sadomasochiste.
Le processus de passage auquel ils soumettent leurs dépouilles à l’hypnotique plasticité, symbolise une mue, une transmutation aussi bien physique que métaphysique. Cérémonie de la traversée, parabole du renouveau, de l’inerte vers le mouvant, Sylphides marque un seuil dans l’œuvre de Cecilia Bengolea et François Chaignaud : un sas vers une autre danse, comme le papillon sorti de sa chrysalide.