Alors que Maguy Marin fête les quarante ans d’une carrière entamée en 1976, ce programme est l’occasion de revenir sur des moments révélateurs de la diversité de son œuvre. En 1985, elle réalise sa première pièce « classique », Cendrillon, sur le conte musical de Serge Prokofiev, se livrant alors à des expériences sur la matière du corps de ballet. Extrait de Eden, pièce conçue l’année suivante, Duo d’Eden suit le fil d’une expressivité allégorique et charnelle : Adam et Éve se lancent dans un corps-à-corps fusionnel, érotique et tumultueux. Waterzooï, qui date de 1993, permet d’entrevoir une autre période de l’oeuvre de Maguy Marin, correspondant à la rencontre avec le compositeur Denis Mariotte. Ensemble, ils vont poursuivre sur la voie de la porosité entre les arts. Dans ce jeu de chaises musicales, les interprètes passent par toutes les positions pour évoquer les différentes passions de l’âme, dans une polyphonie de textes, de mouvements et d’instruments.
En miroir à ce programme, trois pièces de Mathilde Monnier sont présentées, révélant la façon dont cette chorégraphe inscrit sa pratique dans le flux de la vie. Que ce soit en abordant les croisements du privé dans la sphère publique dans Publique ou bien en travaillant l’idée même d’une « danse de la fin » en évoquant La Mort du cygne dans Pavlova. « Dès lors que les images virtuelles de la mort et de la disparition se multiplient autour de nous, comment imaginer travailler autour de cette idée de la représentation de la fin, et comment paradoxalement le geste et le spectacle sont-ils encore des lieux d’inscription de la vie et de la mémoire ? » déclarait-elle lors de la création de Pavlova. Ces questionnements retrouvés dans 2008 Vallée, une extrapolation autour des textes et des musiques de l’album Robots après tout de Katerine, célèbrent la porosité entre le monde de l’art et la réalité. Ce programme composé d’extraits est une ballade ludique et révélatrice de l’homogénéité du parcours de Mathilde Monnier.
Impossible de résumer en quelques signes toute la richesse et la complexité de l’art de Maguy Marin. Pionnière de la danse contemporaine française, reconnue dans le monde entier, cette infatigable créatrice de mouvements n’a cessé de remettre en jeu son écriture, de la soumettre à la littérature, au théâtre, à la musique, à la philosophie. Dès la fin des années 70, elle a oeuvré à la reconnaissance de la danse sous toutes ses formes – comme chorégraphe, mais aussi comme directrice des centres chorégraphiques de Créteil puis de Rillieux-la-Pape. Des pièces comme May B, Cendrillon, Ram Dam, Umwelt ont marqué des générations de spectateurs et de chorégraphes, formant autant d’étapes dans le cheminement de cette artiste insoumise.
Mathilde Monnier s’intéresse à la chorégraphie dès 1984, alternant des créations de groupe et des créations solos, duos. Sa nomination à la tête du centre chorégraphique national de Montpellier Languedoc-Roussillon en 1994 marque le début d’une période d’ouverture vers d’autres champs artistiques ainsi qu’une réflexion en acte sur la direction d’un lieu institutionnel et son partage. Des spectacles comme Pour Antigone, Déroutes, Les Lieux de là, Surrogate Cities, Soapéra, Twin Paradox sont invités sur les plus grandes scènes et festivals internationaux. Elle dirige le CN D depuis janvier 2014.
Coréalisation CN D Centre national de la danse et Théâtre du Fil de l’eau.