LE BAL est heureux de présenter la première exposition importante en France consacrée au travail de Mark Lewis. L’œuvre de cet artiste canadien (né en 1958) fait dialoguer cinéma, photographie et peinture.
Above and Below renvoie au titre d’une œuvre de Mark Lewis réalisée à Sao Paulo en 2014 : Above and Below the Minhocão. Le film montre le Minhocão, autoroute surélevée qui traverse la métropole, fermée à la circulation automobile le soir et le week-end quand promeneurs et cyclistes viennent s’adonner à différents loisirs ou se ressourcer. Le Minhocão a quelque chose du monument moderniste. Construit en 1970, il représente à l’époque le plus important projet d’infrastructure routière d’Amérique du Sud, avec 3,5 kilomètres de long. L’étalement urbain, l’intensité du trafic (80 000 véhicules par jour traversent le Minhocão), la pollution de l’air, le bruit, autant de facteurs contribuant à faire de cette excroissance matérielle de la modernité non pas un monument à la gloire de cette dernière, mais un symbole de sa « chute », soulignant le revers de la médaille des visées de progrès, de vitesse, de gestion des flux et également de croissance. Above and Below représente donc aussi ce qui dans le réel se confronte aux rêves d’autrefois.
La notion d’expérience est au cœur du travail de Mark Lewis. Chacun de ses films, à quelques exceptions près, est construit en un plan unique ou, du moins, en a l’apparence grâce à un montage « invisible » de scènes répliquées ou mises bout à bout. La caméra avance lentement dans ce plan et donne l’impression d’un étirement du temps vers ce qu’on pourrait appeler une image « étendue ». Le spectateur a ainsi la sensation d’entrer dans le plan, une impression accrue par la taille de la projection qui rappelle l’échelle du corps face à un paysage, urbain ou naturel, ou une architecture. Une expérience sensorielle en découle, et c’est de cette expérience, de son potentiel, que peut surgir une conscience élargie du monde.
Les mouvements de caméra dans le travail de Mark Lewis mettent en branle également un autre processus qui s’apparente au vertige. Le vertige crée une perte de repères, il ouvre le champ des possibles alors qu’il bouleverse les habitudes du corps, sa façon de se tenir, d’appréhender et de ressentir son environnement. En fait, le vertige met le sujet à l’épreuve du monde. Il l’oblige à expérimenter ce monde autrement.
Dans la plupart des films de Mark Lewis, capital et « vie nue » s’entremêlent de façon inextricable, dans une plongée toujours vertigineuse dans le réel et ses interstices. Là s’y trouve la vie, là s’y trouve tout espoir de renouveau et de recommencement. L’espoir, ALL I WANT. À nouveau, ce qui s’expose ici, c’est la potentialité de la vie. Cette intensité qui change les choses, qui extirpe le monde de son immuabilité apparente, il n’y a que l’attention pour la capter, un travail en soi. »
Extraits du texte Above and Below, de Chantal Pontbriand, tirés du livre Mark Lewis, Above and Below, publié par LE BAL à l'occasion de l'exposition.