Mémoires d’un amnésique - ? met en lumière la projection dans le futur d’un personnage chinois situé à la lisière de la paranoïa et de la folie. Apeuré, reclus dans un abri afin de se protéger d’une éventuelle catastrophe, il pense une réalité qui n’est que pur fantasme et se projette dans le temps de l’après-catastrophe pour mieux en comprendre les tenants et les aboutissants. Son monde est étroit et sombre, empli de logiques alambiquées et de schémas tortueux. Il se plonge sciemment dans le noir pour mieux le combattre.
À Mains d’Œuvres, fidèle à l’environnement physique et en écho aux méthodes de pensée de ce personnage chinois, les œuvres d’artistes shanghaïens côtoient celles de Paul Laffoley qui présente des schémas psychédéliques sur la vie extraterrestre et le destin de l’Homme. Emilien Adage conçoit la représentation électrique et lumineuse d’un potentiel visiteur de l’espace, alors que Maxime Bondu ancre ses plans architecturaux dans un ciment science-fictionnel. Judith Deschamps nous transporte aisément dans des voyages spatio-temporels, tandis que le court-métrage Next Floor de Denis Villeneuve nous offre un aperçu cinématographique d’une catastrophe qui sans cesse renouvelée devient chaque fois plus présente.
Le projet Mémoires d’un amnésique est une interprétation libre et romancée de deux théories politiques, sociales et architecturales contemporaines ; la théorie du catastrophisme éclairé - définie en 2002 par le philosophe Jean-Pierre Dupuy – et la théorie du Junk Space, établie par Rem Koolhaas en 2001. Selon la théorie du catastrophisme éclairé, nous pourrions éviter une catastrophe en nous projetant dans le temps de l’après-catastrophe pour la considérer rétrospectivement et éviter alors que celle-ci n’ait lieu. Le temps n’est plus chronologique mais circulaire. Junk Space propose une analyse des villes génériques et de leur croissance, leur esthétique, leur mythologie et du vide qui les habite. Shanghai en est l’illustre exemple.
Fatigué de ses propres névroses et habité par des images obscures, le personnage fictif décide de quitter sa tanière et redécouvre alors sa ville, Shanghai, sous des traits étrangement plus jeunes. Le projet 失忆症患者的记忆 (mémoires d’un amnésique) présenté au Bazaar Compatible à Shanghai, pensé sur place avec Xiang Liqing, artiste rencontré à Shanghai, fait écho à ce regard nouveau porté sur la ville. Après avoir anticipé le futur, et riche de ses visions post-apocalyptiques, le personnage revient dans le passé pour éviter que la catastrophe n’ait lieu. C’est à la Maison populaire de Montreuil, dans l’exposition Mémoires d’un amnésique - !, que son optimisme, bringuebalant et ravageur, sera le plus prégnant.
De la Seine-Saint-Denis à Shanghai : fiction, science-fiction, humour, paranoïa, catastrophisme enjoué, découvertes urbaines, allers-retours temporels et traumatismes venus du futur constituent la trame narrative et visuelle de ce projet tripartite.