Le narrateur du roman de Brautigan, L’avortement, s’occupe d’une bibliothèque singulière ouverte jour et nuit, où chacun, quel que soit son âge, peut venir déposer son manuscrit refusé par les éditeurs. Dieu et la stéréo est le titre d’un de ces livres. Le travail d’Eléonore Saintagnan s’apparente à celui de ce bibliothécaire : elle s’intéresse à des thèmes parfois considérés comme mineurs, mais auxquels quelques personnes peuvent consacrer un temps conséquent. Citons par exemple : le jeu de quilles dans le Nord-Pas-de-Calais ou les origines batraciennes de l’homme et leurs répercussions sur le langage.
Eléonore Saintagnan recueille des histoires sous forme de vidéos, de textes, d’enregistrements sonores, de sculptures. A la frontière entre l’étude ethnologique et le récit fantastique, ils sont façonnés dans un aller-retour entre fabrication manuelle et utilisation d’outils numériques, ou encore entre œuvre unique et corpus de formats multiples. Elle construit un terrain d’accueil pour ces récits qui ne trouvent pas leur place ailleurs. Elle s’intéresse aux auteurs incompris, aux blagues communautaires, aux traditions perdues, aux croyances en voie d’extinction, à l’individualité chez les animaux. L’artiste a cette faculté de s’effacer en laissant ses sujets nous livrer comme par eux-mêmes leur fragilité, leur folie, leur beauté.
Pour cette première exposition monographique, rétrospective et prospective, Eléonore Saintagnan présente des objets, dont certains sont issus de tournages, et d’autres de recherches préparatoires à des films passés et à venir. Ainsi, « Dieu et la stéréo », présentée à Mains d’Œuvres du 17 mai au 22 juin 2014, se développe en trois parties : un espace de consultation des vidéos, un paysage reconstitué comme une scène de crime où les objets semblent habités par des volontés incontrôlables et une proposition de valorisation de l’objet DVD à l’heure de la reproduction numérique.
L’exposition « Dieu et la stéreo » est réalisée avec le soutien de Red Shoes / SOME SHOES et de la Borne, résidence de céramistes. Elle est précédée d’une résidence au sémaphore du Créac’h à Ouessant, avec la participation de l’association Finis terrae.